Les partenariats entre la recherche publique et l'industrie sont une des clefs de l'innovation et donc de la compétitivité de notre pays ». Pour Claude Bertrand, président de l'alliance pour la recherche et l'innovation des industries de santé (Ariis), il n'y a aucun doute : les acteurs hexagonaux de la recherche publique et privée doivent se serrer les coudes. Pour ce dirigeant qui a passé vingt ans de sa carrière dans le monde anglo-saxon de la pharmacie, il y a urgence. Si la France veut garder son rang dans une compétition mondiale qui se durcit, il faut mettre les bouchées doubles et mettre de côté les querelles entre villages gaulois.
Aux concurrents habituels venus des pays développés, il faut désormais ajouter des nouveaux venus aux dents longues et aux portefeuilles bien garnis, la Chine, l'Inde ou le Brésil en tête. Trois pays capables d'aligner des équipes de chercheurs de niveau mondial, bien équipés et de surcroît très réactifs. « La vitesse d'exécution est de plus en plus cruciale dans la réussite d'un projet » assure Claude Bertrand, ancien de chez AstraZeneca et aujourd'hui directeur de la recherche dans le groupe français Ipsen.
Dix millions de chercheurs
Dans un récent rapport parlementaire consacré à la nouvelle donne de la recherche et de l'innovation, les députés Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut résument la situation en quelques données: «L'ampleur de la poussée scientifique et technique est impressionnante. Le nombre de chercheurs dans le monde a dépassé les 10 millions, contre 5 millions il y quinze ans. Quinze mille articles scientifiques sont publiés tous les jours, 7,8 millions de brevets sont actifs, mais un quart d'entre eux perd toute valeur dans les trois mois et moins de 1% se révéleront rentables ». Pour alimenter cette course aux découvertes, créatrice de richesses et d'emplois, les budgets publics et privés sont revus à la hausse dans pratiquement tous les pays. Cette année, plus de 1.000 milliards de dollars vont être injectés dans la R&D au niveau mondial. Tout le monde mise sur un modèle qui a fait ses preuves dans les universités anglo-saxonnes. Une recherche de base performante, le plus souvent financée par des fonds publics, irrigue le monde industriel qui en tire profit pour alimenter sa machine à innover. « La durée de vie d'une innovation est constamment rattrapée par l'évolution technico-scientifique », résume le rapport des élus. Cette course à l'innovation permanente ne fait sans doute que commencer. « Il y a un million de chercheurs en Chine avec un objectif de 4 millions et 700.000 en Inde avec un objectif de 3 millions »,rappelle Jean-Yves le Déaut.
L'appel aux partenariats public privé (PPP) est particulièrement évident dans la discipline la plus complexe de toutes : les sciences du vivant. « Il y a dix ans, Astra Zeneca possédait plus de mille chercheurs en oncologie. Et puis, nous nous sommes rendus compte que cela ne représentait que 2 % de la recherche mondiale. C'est là que nous nous sommes rendu compte qu'il faut aller chercher l'innovation là où elle se trouve plutôt que de tenter de tout faire nous-mêmes », précise Claude Bertrand.
En réalité tout le monde est à l'affût des fameuses ruptures, ces technologies révolutionnaires qui donnent à leurs découvreurs un avantage qui assomme les concurrents pendant quelques années.« Dans une phase où des percées ou des mutations peuvent apparaître, il faut ratisser large pour détecter les idées prometteuses et donc éviter la monoculture institutionnelle », précise l'ancien directeur général du CNRS Pierre Papon dans la revue « Futuribles ».
En pleine réorganisation, le système français de recherche et d'innovation va devoir s'adapter rapidement aux nouvelles règles. Selon l'enquête qui vient d'être publiée par l'Ariis, il faut compter 7,2 mois pour signer un accord entre deux partenaires en France, et ce délai dépasse les 12 mois quand l'association atteint quatre membres publics ou privés. « Ces chiffres sont à comparer avec le MIT où un accord peut être signé en quelques jours », indique José-Alain Sahel, président de l'institut de la vision à Paris. Selon cet habitué des PPP, l'Hexagone souffre toujours d'une administration trop tatillonne. « On crée des structures administratives dans laquelle doivent rentrer les projets. Il faudrait faire exactement l'inverse. »
Source : Les Echos
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