Alors que le gaz naturel non conventionnel - le gaz de schiste en premier lieu - bouleverse depuis quelques années le secteur de l'énergie, certains travaillent déjà à la prochaine étape. Ainsi, une équipe de recherche américano-japonaise a réussi à extraire de manière continue des hydrates de méthane dans la région de North Slope, en Alaska, a annoncé le Secrétaire à l'Energie Steven Chu le 2 Mai 2012.
L'hydrate de méthane, la "glace qui brûle"
Les hydrates de méthane, également appelés chlarates de méthane, désignent des molécules de méthane piégées au sein d'une fine "cage" de glace. Il s'agit d'une formation qui survient naturellement dans les milieux à basse température et à haute pression, notamment dans les bassins sédimentaires au niveau du plancher océanique et dans le pergélisol des régions polaires (permafrost).
L'hydrate de méthane, la "glace qui brûle"
Les hydrates de méthane, également appelés chlarates de méthane, désignent des molécules de méthane piégées au sein d'une fine "cage" de glace. Il s'agit d'une formation qui survient naturellement dans les milieux à basse température et à haute pression, notamment dans les bassins sédimentaires au niveau du plancher océanique et dans le pergélisol des régions polaires (permafrost).
Combustion d'hydrate de méthane. En haut à gauche : structure moléculaire dodécaédrique d'un hydrate de méthaneCrédits : U.S. Geological Survey
Confiné à haute pression, la concentration du gaz au sein des hydrates de méthane est très importante. Ainsi, ramené à la pression atmosphérique, 1 mètre cube d'hydrate de méthane peut représenter jusqu'à 168 mètres cubes de méthane, le principal composant du gaz naturel.
Une ressource potentielle considérable, mais théorique
La quantité de méthane supposée présente dans les formations d'hydrates de méthane est phénoménale, probablement plus importante que dans toutes les autres réserves de pétrole et de gaz connues au niveau mondial. Elle pourrait être aussi importante que 1.230.000 milliards de mètres cubes, soit 370 années de consommation mondiale de gaz naturel au rythme actuel.
Gisements connus et supposés d'hydrate de méthane océanique (point rouge) et terrestre (losange noir). Point 1 : North Slope, AlaskaCrédits : U.S. Geological Survey
Ce chiffre impressionnant est cependant à considérer avec la plus grande prudence, puisque les connaissances sur les gisements d'hydrates de méthane restent très limités. Il est également à prévoir que nombre d'entre eux demeurent technologiquement ou économiquement inexploitables à cause des fortes contraintes des milieux où ils sont présents (fortes pressions, etc.).
Les hydrates de méthane pourraient à l'avenir jouer un rôle important dans les approvisionnements en énergie. En particulier, les chercheurs japonais et américains sont particulièrement en pointe dans la recherche de moyens technologiques permettant de rendre ces ressources à la fois accessible physiquement et exploitables économiquement.
Un exploit technologique : extraire des hydrates de méthane tout en stockant du carbone
Dans cette optique, une équipe de recherche conjointe au Département de l'Energie (DoE), et aux compagnies pétrolières ConocoPhillips et Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC) s'est employée à tester - avec succès - une technologie expérimentale destinée à l'extraction des hydrates de méthane, développée par la compagnie Chevron et l'université de Bergen, en Norvège.
Pendant près de deux mois, du 15 février au 10 avril 2012, l'équipe a injecté un mélange de dioxyde de carbone (CO2) et d'azote pur dans un puits de près d'un kilomètre creusé dans le pergélisol dans la région de North Slope, en Alaska. Une fois imprégnées de dioxyde de carbone, les formations de chlarates devraient libérer les molécules de méthane emprisonnées pour les échanger par celles de CO2. Pendant 30 jours consécutifs, le puits a produit du gaz naturel, tout en conservant le CO2 injecté. Cette performance pulvérise le précédant record de production de gaz naturel d'hydrates de méthane, qui était de 6 jours en 2008 sur un puits canadien, en utilisant une technique d'extraction par dépressurisation.
Des analyses sont encore en cours pour déterminer l'efficacité globale du processus de capture du dioxyde de carbone au sein du puits. Néanmoins, les premiers résultats spectaculaires de ce premier essai sur le terrain de cette nouvelle technologie tendraient à montrer qu'elle est plus efficace que la méthode de dépressurisation, jusqu'ici préférée. Cette méthode consiste à pomper des fluides hors du puits pour créer une dépression et liquéfier les hydrates, libérant ainsi le méthane qu'ils contiennent. L'injection de CO2 pourrait permettre aussi d'éviter les effets déstabilisateurs de la dépressurisation, rendant l'exploitation des hydrates potentiellement plus sûre d'un point de vue environnemental, limitant les risques de "fuites" de méthane dans l'atmosphère. Enfin, cette technique pourrait aussi devenir une méthode efficace et économique de stockage du carbone.
Le Département de l'Energie finance la recherche sur les hydrates de méthane
Le Département de l'Energie considère le financement de la recherche dans le domaine de l'énergie comme une priorité, en particulier dans les premières phases de recherche et développement de technologies novatrices permettant d'exploiter de nouvelles sources d'énergies. "Les investissements à long terme du Département de l'Energie dans la recherche sur les gaz de schistes dans les années 1980 et 1990 ont contribué à la croissance importante de la production de gaz naturel que nous connaissons aujourd'hui." déclare le Secrétaire à l'Energie Steven Chu, vantant les mérites de l'investissement fédéral dans la recherche énergétique. "Bien que ce ne soit que le début, la recherche [sur les hydrates de méthane] pourrait dégager de vastes quantités de gaz naturel".
Ainsi, le DoE a financé ce projet de recherche sur deux ans à hauteur de 24 millions de dollars (18,8 millions d'euros) et a provisionné 6,5 millions de dollars (5,1 millions d'euros) pour l'année fiscale 2012, dédiés à la recherche sur les hydrates de méthane.
Ces fonds financent des projets visant :
=> à mieux caractériser les gisements d'hydrates de méthane en eau profonde, par prélèvements directs ou mesures à distance ;
=> à développer de nouveaux outils et méthodes pour collecter et analyser les données, dans le but de déterminer le "comportement" des gisements d'hydrates et les possibles impacts environnementaux résultant des opérations d'extraction de gaz naturel ;
=> à clarifier le rôle des hydrates de méthane au sein de leur environnement, et leur réaction face au changement climatique.
De plus, le DoE réclame 5 millions de dollars (4 millions d'euros) supplémentaires dans la requête budgétaire présidentielle pour 2013 pour étendre son programme de recherche (notamment continuer les essais de terrain dans la région de North Slope, en Alaska) et renforcer sa collaboration internationale.
Une "bombe climatique" en puissance
Cependant, la future exploitation des hydrates de méthane soulève beaucoup d'inquiétudes quant au risque d'aggravation du changement climatique. Le dioxyde de carbone issu de la combustion du méthane extrait des hydrates n'est pas directement en cause : c'est le même que celui du gaz naturel conventionnel. Au contraire, grâce aux énormes ressources théoriques disponibles, une exploitation à grande échelle des hydrates de méthane pourrait même avoir un effet bénéfique en substituant le gaz naturel à d'autres sources d'énergie plus émettrices de gaz à effet de serre (GES), comme le charbon.
Le problème réside dans la grande fragilité des formations d'hydrates de méthane. Si les conditions ambiantes sont modifiés trop brutalement - par exemple en cas de hausse de température ou de baisse de pression, les hydrates peuvent se "briser" et libérer subitement d'importantes quantités de méthane, qui peut alors "fuiter" dans l'atmosphère.
Diagramme de phase et zones de stabilité (en bleu) de l'hydrate de méthane pour le pergélisol (a) et le milieu océanique (b)Crédits : Sara Harrison
Or, le méthane est un puissant GES, avec un potentiel de réchauffement moyen 23 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Les scientifiques craignent particulièrement que la déstabilisation d'une quantité importante d'hydrates de méthane, notamment due à la fonte du pergélisol ou à un accident industriel lors de leur exploitation (par exemple, une décompression accidentelle massive de gisements), entraîne un basculement du climat, provoquant une boucle de rétroaction du climat (un "cercle vicieux" d'émission de méthane et de hausse des températures) qui serait presque impossible à arrêter.
L'exploitation des hydrates de méthanes pourrait être "soit la prochaine révolution dans le monde de l'énergie, soit le pari le plus dangereux que l'humanité n'ait jamais fait" résume Richard Charter, fellow de la Ocean Foundation et membre du comité consultatif sur les hydrates de méthane du DoE. "Et pour l'instant, nous ne savons pas duquel il s'agit".
ORIGINE : BE Etats-Unis numéro 290 (18/05/2012) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70057.htm
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