En matière de design, on est plus habitué à entendre parler d'objets que de services. Avec le développement de l'économie du partage et de la fonctionnalité, le fait de concevoir des services vraiment pensés pour (et par) les utilisateurs est pourtant une activité en plein boom.
A partir de ce dimanche 28 octobre et jusqu'au mardi 30 octobre à Paris se réunissent les plus grands spécialistes du design de services à Paris. L'occasion d'en savoir plus sur leur travail.
Pour une économie décloisonnée
Guichets automatiques dans les banques, bornes SNCF, Pass Navigo de la RATP, carte Imagine’R, Vélib', etc… autant d'applications ayant recours au design de services, explique cet article du Lieu du Design qui le définit comme "une activité de conception qui organise des informations et des situations afin d’en augmenter l’efficacité, la perception et la qualité". Le designer de services peut être vu comme un scénariste ou un chef d'orchestre qui anticipe le déroulement d’évènements, d’actions et de résultats pour assurer l'utilisation optimale d'un service. Son rôle est donc de soigner tout autant l’interface, la navigation et la relation de service entre l’usager et le produit. Un ensemble de dimension qui n'étaient pas autant prises en considération auparavant.
Mathématicienne et psycho-sociologue de formation, Anne-Marie Boutin a passé neuf ans à la direction des études de l'ENA. Elle a aussi fondé l'APCI (l'Agence pour la promotion de la création industrielle, qui fêtera ses trente ans l'an prochain) qu'elle dirige depuis sa création. A l'écouter, on saisit à quel point le design de service estune approche novatrice en France alors qu'elle a déjà été largement reconnue dans d'autres pays, notamment dans le monde anglo-saxon.
Aujourd'hui, cette activité devient en vogue dans l'hexagone à mesure que les entreprises et organisations mesurent à quel point elles sont déconnectées de leurs utilisateurs finaux. Pour mieux comprendre les attentes de ces derniers, l'approche trans-disciplinaire (ou "a-disciplinaire", selon les puristes) du design permet de révéler et décloisonner les frontières : en ce sens, "le design peut jouer un rôle économique, social et culturel", explique Anne-Marie Boutin. "Le designer de service permet d'introduire un discours intuitif dans un mode de discours inductif/déductif propre à la France" note-t-elle aussi.
Comment ? En appliquant la méthodologie du design aux services, on part de l'expérience des utilisateurs pour mieux cerner leurs besoins et développer de nouvelles expériences et de nouveaux services. "Cela pourrait être très utile dans les services publics et alléger les lourdeurs administratives", précise la présidente de l'APCI en citant l'exemple du système de santé public du Royaume Uni qui a eu recours au design de service pour améliorer ses pratiques.
Pourquoi le Royaume-Uni est-il si en avance ? "Dans les années 1960, les anglais ont répondu à la crise que traversait leur industrie par le développement d'une culture du service. Leur culture du projet est également plus développée et s'adapte à merveille au monde ultra-connecté et 2.0 d'aujourd'hui" analyse Anne-Marie Boutin .
Le design d'une société plus durable
Pour Christophe Tallec, fondateur d'Utilisacteur et conseiller de l'APCI sur les questions de design de service, le secteur est en plein boom. En un an, son activité a triplé et ses missions permettent de faciliter l'innovation et l'attention portés par le client à ses collaborateurs comme à ses parties prenantes. Comme il l'explique dans l'enregistrement suivant, "le design de services permet d'imaginer de nouvelles formes de consommation et de société".
Un constat partagé par Birgit Mager, professeur en charge du design de services à l'école internationale de design de Cologne. En tant que présidente du réseau international du design de services, elle mesure à quel point les architectures invisibles créées par les designers de services permettent de promouvoir une économie plus durable et véritablement adaptée aux besoins des usagers. Parmi les projets dont elle est le plus fière, la création de "maisons de survie" pour les SDF de Cologne. "Ce type de service a été entièrement co-créé et co-produit avec les SDF", explique-t-elle, insistant ainsi sur le besoin de co-création des services.
"En somme, résume Anne-Marie Boutin, nous nous dirigeons vers une 'économie d'usages'". En alliant un travail sur la forme et la fonction à un travail sur l'intuition, le design de services marie concrètement l'économie de la fonctionnalité aux besoins sociaux fondamentaux.
Une affaire à suivre de près, donc. En espérant que les institutions publiques s'y penchent de près fort bientôt...
Pour aller plus loin
Dans la vidéo suivante réalisée lors de la première conférence internationale du design de services (en 2011), Birgit Mager détaille sa vision du métier :
Ce livre vous sera utile pour comprendre le "service design thinking".
Source : Blog du Monde
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