lundi 3 octobre 2011

Microsoft propose de remplacer votre chaudière par des serveurs


Une équipe de recherche de Microsoft associée au département d'informatique de l'université de Virginie a publié une étude apportant des précisions sur l'intérêt de remplacer le système de chauffage traditionnel de bâtiments résidentiels par de petits centres de données que les auteurs qualifient de "Data Furnace" [1].

Du chauffage au silicium

Les serveurs informatiques sont de parfaits candidats pour le chauffage. En effet la quasi-totalité de leur consommation électrique se transforme en chaleur. Seule une petite portion sert à animer les ventilateurs et les plateaux des disques durs et à déplacer les photons et les électrons à travers les interfaces des réseaux. La température de l'air dégagé par un serveur se situe entre 40 et 50°C, ce qui est idéal pour un usage destiné au chauffage (surface ou eau chaude).

L'idée de valoriser la chaleur résiduelle des équipements informatique n'est pas nouvelle [2]. Cette étude innove en présentant des calculs à l'échelle d'un foyer qui ne nécessiterait que 40 à 400 processeurs pour couvrir ses besoins en chauffage. Les auteurs estiment que les technologies du "cloud computing" (informatique dans le nuage) commencent à devenir suffisamment matures pour permettre d'héberger des serveurs de manière distribuée dans des environnements aussi peu sécurisés.

Les auteurs citent par exemple comme technologies :
- la possibilité de démarrer ou de réinstaller un serveur physique à distance,
- l'encapsulation des services à l'aide de machines virtuelles qui garantit un certain degré d'isolation
- La possibilité d'exécuter des programmes de manière sécurisée sur des serveurs non fiables
- les réseaux de capteurs permettent d'assurer un haut niveau de sécurisation physique des installations. Par exemple, lorsqu'un capteur détecte une violation de l'intégrité physique d'un serveur, celui-ci peut être automatiquement isolé.

Au final, les auteurs précisent que compte tenu des contraintes de gestion et de sécurité physique, les ensembles résidentiels et les immeubles de bureaux pourraient être les premiers clients à adopter ce type de concept.

Caractéristiques des 5 zones géographiques sélectionnées pour l'analyse de coût TCOCrédits : "The Data Furnace : Heating Up with Cloud Computing"- Jie Liu, Michel Goraczko, Sean James, Christian Belady, Jiakang Lu, Kamin Whitehouse - 2011

Analyse financière/économique

Les auteurs se sont appuyés sur la méthode d'analyse des coûts TCO ("Total Cost of Ownership") pour évaluer le coût d'exploitation des "Data Furnace" selon 5 différentes zones climatiques. Ils ont ensuite pu le comparer au coût d'exploitation d'un serveur hébergé dans un centre de données traditionnel.

L'analyse TCO tient compte de surcoûts tels que :
- Un prix de l'électricité approximativement deux fois plus élevé en zone résidentielle qu'en zone industrielle.
- L'éventuelle nécessité de souscrire à une meilleure connexion réseau.
- Les visites de maintenance plus coûteuses à cause de la distribution géographique des serveurs. Néanmoins, pour certaines interventions physiques telles que le remplacement d'un filtre à air, le propriétaire des lieux pourrait être mis à contribution en échange de chaleur gratuite.

Et des économies telles que :
- Pas d'acquisition foncière ou de frais immobiliers
- Pas de construction de nouvelles infrastructures
- Réutilisation des installations existantes (conduites d'air, eau, réseau de distribution de chaleur)

Au final, un serveur dans un "Data Furnace" coûterait entre 280$ et 325$ de moins comparé à son exploitation dans un centre de données traditionnel dont le coût est d'environ 400$ (chiffre communiqué par Amazon pour un centre de données de 45.000 serveurs sur une période d'amortissement de 3 ans).

Des bénéfices écologiques

Le remplacement d'une chaudière par des serveurs présente l'avantage de ne pas augmenter la demande en électricité globale: la consommation des nouveaux serveurs se substitue à celle des systèmes de chauffage existants. Ainsi, la majeure partie de la croissance de la consommation électrique de ces serveurs se trouve absorbée dans celle du chauffage des habitations américaines, qui représente 6% de la consommation électrique des Etats-Unis. Enfin, la chaleur étant récupérée, il devient intéressant de "recycler" d'anciens modèles de serveurs peu efficients dans ce type d'installations pour en allonger la durée de vie.

La distribution géographique permettrait également d'améliorer la réactivité des services pour les utilisateurs du voisinage en réduisant la distance entre les serveurs et leurs utilisateurs.

3 types d'applications potentielles

Les auteurs distinguent 3 types de cas dans lesquels ce concept pourrait se rendre particulièrement attractif :

- "Data Furnace" saisonnier à très bas coût : celui-ci utilise la connexion du foyer et n'est opérationnel que lorsqu'il y a des besoins de chauffage. Le coût opérationnel pour l'exploitant est quasi nul. Ce type d'installation pourrait accueillir d'anciens modèles de serveur peu efficients, ce qui permet d'en allonger leur durée de vie et se verrait confier des tâches de fond non urgentes comme par exemple l'indexation de contenus.

- "Data Furnace" à faible bande passante : dans ce cas, les serveurs seraient exploités toute l'année mais connectés à la ligne Internet du foyer et pourraient permettre de réduire la latence de certains services dans le nuage pour les utilisateurs du voisinage tels que la messagerie électronique, la cartographie ou encore le streaming de vidéos.

- "Data Furnace" urbains : Ces installations bénéficieraient d'une connexion réseau dédiée de type fibre optique ou T1 et seraient exploitées tout au long de l'année. Cela permettrait à l'opérateur de déployer des ressources informatiques en milieu urbain sans les dépenses associées à l'immobilier.

Une approche à contre courant des tendances du secteur ?

Le concept de "cloud computing" distribué présenté dans cette publication peut paraitre à contre courant des tendances du secteur. Par exemple, l'administration Obama est en pleine campagne [1] de consolidation de ses centres de données - 800 des 2094 centres de données gouvernementaux répertoriés devront fermer d'ici à 2015 [3] [4] - et [2] de migration de certains services vers le "cloud computing". Précisément, les acteurs principaux du "cloud" développent des infrastructures distribuées destinées à repartir au mieux la demande d'archivage et de calcul des clients. Autant de "data furnaces" à venir ?

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[1] Data = Données , Furnace= Chaudière



ORIGINE :BE Etats-Unis numéro 261 (30/09/2011) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/67805.htm

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