Pour Visa, toutes les conditions sont enfin réunies pour le déploiement du NFC en Europe. Rencontre avec la vice-présidente de Visa Europe, en charge de l'innovation, Mary Carol Harris.
JDN. Quelles sont les principales évolutions que vous constatez en matière de moyens de paiement ? Quelle place prendra le mobile à moyen terme ?
Mary Carol Harris. La manière dont on utilise sa carte de paiement a considérablement changé depuis les dix dernières années. D'abord on utilise sa carte pour des paiements de plus en plus faibles. Ensuite, l'e-commerce est un moteur de croissance très important pour nous. Aujourd'hui, 20% des transactions VISA sont réalisées sur des sites d'e-commerce. Un peu partout en Europe, les banques encouragent leurs clients à se passer des chèques, notamment en facturant leur utilisation. Nous profitons logiquement de ce mouvement de substitution des paiements par chèques vers les règlements par CB.
Nous travaillons aussi beaucoup depuis 2002 sur le " sans contact ", le NFC (Near Field Communication) qui devrait permettre aux clients de payer des petites sommes directement à partir de leur mobile. Dans ce contexte le mobile devrait devenir d'ici quelques années un moyen de paiement particulièrement utilisé pour les petites dépenses quotidiennes.
Mais le paiement sans contact n'est-il pas l'arlésienne du mobile ?
C'est vrai que le sujet est évoqué depuis déjà de nombreuses années et que pour le moment il ne s'est pas passé grand-chose sauf au Japon et en Corée du Sud. Jusqu'en 2010, toutes les conditions de développement de ce mode de paiement n'étaient pas encore réunies. Néanmoins, il y a eu de nombreuses annonces en faveur du développement rapide du NFC cette année au Word Mobile Congress.
Les constructeurs de téléphones mobiles vont quasi systématiser les fonctionnalités NFC sur leurs prochaines sorties de téléphones dès cette année. Et avec l'aide des opérateurs téléphonique, il y a d'importantes innovations sur les cartes SIM qui devraient stimuler le développement de cette technologie. VISA travaille d'ailleurs déjà avec l'ensemble de ces nouveaux acteurs qui entrent dans l'écosystème des modes de paiement.
Quelles sont les principales initiatives en Europe ?
Le paiement sans contact est déjà une réalité en Grande-Bretagne où d'ici la fin de l'année 2010 nous compterons plus de 18 millions de cartes de paiement sans contact en circulation. Outre la multitude de petits commerces qui sont en train de s'équiper pour ce nouveau moyen de paiement, de grandes chaines montrent également le chemin à l'instar de McDonald's chez qui il est déjà possible de payer en sans contact. Ce sera très rapidement aussi le cas chez Tesco, le premier groupe de distribution britannique.
En France, une expérience pilote a actuellement lieu à Nice depuis mai avec le concours d'une dizaine de banques françaises. Les premières offres commerciales déployées au niveau national devraient être lancées dès la fin de cette année. En Turquie, plus d'un million de cartes sans contact sont également en circulation avec plus de 50 000 commerces équipés pour traiter ces paiements.
Comment fonctionne concrètement le paiement sans contact ?
L'objectif du paiement sans contact c'est d'être pratique, simple et sécurisé. Pour tous les paiements de moins de 20 euros, il vous suffit de passer votre carte ou votre mobile devant le terminal du commerçant pour valider la transaction. Bien entendu, en cas de perte de votre mobile, vous pouvez à distance bloquer votre portefeuille virtuel. Par ailleurs, il est possible de mettre en place des plafonds de paiements quotidiens qui sécurisent encore davantage le consommateur.
Pour les montants supérieurs à 20 euros, le code confidentiel est demandé pour sécuriser l'achat. Ce code peut être saisi directement à partir du mobile du client ou sur le terminal du commerçant. Si vous ne souhaitez pas être débité directement sur votre compte bancaire, vous avez également la possibilité d'acheter des réserves de crédit directement sur Internet, dans un magasin ou à partir de votre téléphone mobile.
Quels modèles économiques allez-vous mettre en place ?
Pour le moment le modèle n'est pas encore définitif et dépendra surtout des pays et des habitudes de consommation. Il est certain que pour que ce nouveau mode de paiement soit rapidement adopté par le consommateur, il faut imaginer un modèle indolore d'un point de vue financier. Différentes hypothèses sont envisageables. Pour le consommateur, cette option de paiement sans contact peut être prise en compte dans le cadre de sa commission annuelle de la carte bancaire.
Pour les commerçants, le remplacement du terminal de paiement est nécessaire mais ne devrait pas nécessiter une hausse significative du coût de la location du terminal. Dans le même temps pour le commerçant, la mise en place de ce nouveau moyen de paiement constitue une économie non négligeable en termes de temps passé à compter sa caisse, mais présente aussi des avantages en termes de sécurité.
Au-delà des moyens de paiement n'êtes-vous pas aussi tenté de devenir un levier de fidélisation pour les marques, à l'instar de ce que fait American Express ?
Nous le sentons de plus en plus, les marques et les distributeurs sont à la recherche de nouveaux leviers pour fidéliser leurs clients. La principale différence avec American Express c'est que nous ne sommes pas en relation directe avec le client. Néanmoins, avec le développement du "sans contact" la donne pourrait changer dans le sens où nous serions amenés à être davantage en contact avec le client final dans le cadre de l'utilisation de l'application mobile ou pour les rechargements de crédits. Nous ne nous priverons pas alors de nous renforcer sur le développement de programmes de fidélisation mutualisés.
Mary Carol Harris est vice-présidente de Visa Europe en charge de l'innovation, des nouveaux produits et des développements sur mobile depuis novembre 2010. Ex-responsable des projets NFC chez l'opérateur mobile 02, entre 2006 et 2008, elle entre chez Visa en février 2008 à un poste similaire.
Source: Journal du Net