La conférence 2011 de l'Electricity Storage Association (ESA 2011) a été un franc succès ; plusieurs centaines de participants se sont rassemblés à San Jose (Californie) du 6 au 8 juin.
Malgré les critiques du célèbre capital-risqueur Vinod Khosla à l'égard de la technologie lithium-ion qu'il juge impossible à utiliser à l'échelle des grandes batteries [3], bien des startups et PME pensent qu'elles seront un jour utiles au réseau électrique. C'est le cas d'une compagnie du Nevada nommée Altainano [4], dont l'un des directeurs, Robert Misback, a présenté à la conférence les vues de sa société sur une des applications possibles du stockage : le réglage de fréquence primaire.
De la difficulté de caractériser le stockage
Aux Etats-Unis, le stockage d'énergie est perçu comme un des éléments-clés du réseau électrique de demain car pouvant aider à l'insertion massive d'énergies renouvelables. Pour preuve, Mark Johnson du Department of Energy a rappelé à l'occasion de cette même conférence que 6 des 37 projets subventionnés par l'agence ARPA-E [5] concernent le stockage, ce qui le place en tête de tous les autres secteurs (biocarburants, capture et stockage du carbone, énergies renouvelables...). Le but est également de créer une industrie et de permettre aux Etats-Unis de jouer un rôle parmi les leaders mondiaux du stockage.
Comme l'ont répété à maintes reprises les intervenants lors de la conférence, le stockage est difficile à caractériser car il n'entre pas dans les cases de la traditionnelle "chaîne" du secteur électrique : production, transmission, distribution, consommation. L'enjeu pour les acteurs du secteur est donc de prouver qu'en plus de fournir des services déjà assurés par des éléments existants du système, il possède des caractéristiques propres précieuses et utiles.
Plusieurs entités américaines ont récemment publié des rapports pour décrire les différentes applications du stockage et estimer les revenus qu'il peut générer [6]. Plusieurs d'entre elles soulignent l'opportunité que représentent les services de soutien au réseau (grid support). Tous ne sont pas rémunérés ni compensés de la même manière; certains sont appelés "services systèmes" (ancillary services en anglais) mais les définitions varient selon les organisations locales [7].
Le soutien au réseau
Quelques rappels :
- Pour l'électricité, l'équilibre production/consommation doit être assuré à chaque instant, ce qui oblige les gestionnaires du système électrique à s'adapter en permanence au niveau de consommation, qui est fluctuant.
- Dans le cas d'un fonctionnement normal, l'électricité est délivrée avec une fréquence quasi-constante (50 Hz en France et 60 Hz aux Etats-Unis par exemple).
- Un déséquilibre dans l'adéquation offre/demande a une influence sur la fréquence : la fréquence augmente lorsque la production dépasse la consommation, et réciproquement.
C'est pourquoi des capacités de production -le plus souvent appartenant à des centrales thermiques- sont "réservées" pour être à disposition du gestionnaire de réseau, qui a la responsabilité de garder la fréquence dans un intervalle donné (en Californie entre 59,6 Hz et 60,1 Hz [8]). Selon l'horizon de temps auquel la capacité sera disponible, on parle de réglage de fréquence primaire, secondaire ou tertiaire, comme l'illustre la figure ci-dessous.
Malgré les critiques du célèbre capital-risqueur Vinod Khosla à l'égard de la technologie lithium-ion qu'il juge impossible à utiliser à l'échelle des grandes batteries [3], bien des startups et PME pensent qu'elles seront un jour utiles au réseau électrique. C'est le cas d'une compagnie du Nevada nommée Altainano [4], dont l'un des directeurs, Robert Misback, a présenté à la conférence les vues de sa société sur une des applications possibles du stockage : le réglage de fréquence primaire.
De la difficulté de caractériser le stockage
Aux Etats-Unis, le stockage d'énergie est perçu comme un des éléments-clés du réseau électrique de demain car pouvant aider à l'insertion massive d'énergies renouvelables. Pour preuve, Mark Johnson du Department of Energy a rappelé à l'occasion de cette même conférence que 6 des 37 projets subventionnés par l'agence ARPA-E [5] concernent le stockage, ce qui le place en tête de tous les autres secteurs (biocarburants, capture et stockage du carbone, énergies renouvelables...). Le but est également de créer une industrie et de permettre aux Etats-Unis de jouer un rôle parmi les leaders mondiaux du stockage.
Comme l'ont répété à maintes reprises les intervenants lors de la conférence, le stockage est difficile à caractériser car il n'entre pas dans les cases de la traditionnelle "chaîne" du secteur électrique : production, transmission, distribution, consommation. L'enjeu pour les acteurs du secteur est donc de prouver qu'en plus de fournir des services déjà assurés par des éléments existants du système, il possède des caractéristiques propres précieuses et utiles.
Plusieurs entités américaines ont récemment publié des rapports pour décrire les différentes applications du stockage et estimer les revenus qu'il peut générer [6]. Plusieurs d'entre elles soulignent l'opportunité que représentent les services de soutien au réseau (grid support). Tous ne sont pas rémunérés ni compensés de la même manière; certains sont appelés "services systèmes" (ancillary services en anglais) mais les définitions varient selon les organisations locales [7].
Le soutien au réseau
Quelques rappels :
- Pour l'électricité, l'équilibre production/consommation doit être assuré à chaque instant, ce qui oblige les gestionnaires du système électrique à s'adapter en permanence au niveau de consommation, qui est fluctuant.
- Dans le cas d'un fonctionnement normal, l'électricité est délivrée avec une fréquence quasi-constante (50 Hz en France et 60 Hz aux Etats-Unis par exemple).
- Un déséquilibre dans l'adéquation offre/demande a une influence sur la fréquence : la fréquence augmente lorsque la production dépasse la consommation, et réciproquement.
C'est pourquoi des capacités de production -le plus souvent appartenant à des centrales thermiques- sont "réservées" pour être à disposition du gestionnaire de réseau, qui a la responsabilité de garder la fréquence dans un intervalle donné (en Californie entre 59,6 Hz et 60,1 Hz [8]). Selon l'horizon de temps auquel la capacité sera disponible, on parle de réglage de fréquence primaire, secondaire ou tertiaire, comme l'illustre la figure ci-dessous.
En fonctionnement "normal", dans un intervalle infra-horaire de quelques dizaines de minutes le gestionnaire de réseau parvient à maintenir l'équilibre offre/demande et donc à ajuster la fréquence grâce de deux types de réglage secondaire :
1. Le réglagle (regulation) par contôle automatique (Automatic Generation Control)
Des instructions sont envoyées à distance par une entité centrale (le gestionnaire de réseau) aux unités de production (toutes les 4 secondes en Californie [1]). Le processus est complètement automatisé.
2. Le suivi de charge (load following ou ramping)
Un plan de production heure par heure est établi un jour à l'avance. En "temps réel", le gestionnaire de réseau affine les instructions selon ses prévisions et la consommation observée. En Californie, l'opérateur CAISO travaille par intervalle de temps de 5 minutes et le suivi de charge n'est pas un produit de marché mais pourrait le devenir [9].
Les besoins de capacité réservés pour ces ajustements augmentent avec l'intégration d'énergies renouvelables et intermittentes dans le mix électrique. En Californie par exemple, le besoin de réglage instantané à la hausse est le plus important au printemps, le matin et le soir lorsque la production solaire débute tandis que le besoin de réglage à la baisse le plus important a lieu en été au milieu de l'après-midi à cause de l'augmentation de production éolienne. Entre 2006 et 2012, l'augmentation des besoins de capacités sur la période estivale à la hausse et à la baisse serait de +37% et -11% respectivement [2].
Lorsque le système électrique fait face à un événement imprévu tel que la perte d'un groupe de production, la fréquence chute immédiatement, d'autant plus vite que l'inertie globale du système, fournie par la résistance mécanique de turbines par exemple, est faible. Plusieurs mécanismes fonctionnent alors :
1. Le réglage de fréquence primaire (frequence response). Le régulateur de vitesse pour les groupes de production réagit à la baisse de fréquence et modifie sa commande afin d'augmenter la production. Ceci a pour but de stopper la chute de fréquence.
2. Par le biais de réglages de fréquence secondaire, d'autres moyens de production accroissent leur production pour stabiliser la fréquence.
3. Enfin, grâce au réglage tertiaire des unités de production supplémentaires sont sollicitées : soit des centrales produisant déjà augmentent leur cadence (réserve "tournante" ou spinning reserve) soit des moyens de production sont démarrés, et la fréquence est rétablie dans les dix minutes qui suivent l'incident.
Caractéristiques nécessaires
D'après Southern Califonia Edison (SCE) [9], il est logique d'installer le stockage à côté d'un moyen de production d'électricité pour le soutien au réseau. La densité énergétique et la densité de puissance ne constituent donc pas une contrainte forte car l'espace occupé est libre. De plus, l'opération et la maintenance seront facilitées par la présence de personnel sur place et une autonomie maximale de fonctionnement du système de stockage n'est donc pas nécessaire.
D'autres spécifications techniques sont proposées par SCE:
- Un faible rapport énergie/puissance car le besoin clairement identifié est une puissance élevée pendant quelques minutes.
- Un nombre élevé de cycles partiels charges-décharges. En effet, des dizaines voire des milliers (quand la réponse est de l'ordre de la seconde) de cycles courts seront nécessaires.
Enfin, pour cette application du stockage SCE propose une taille unitaire de 20 MW. Un calcul de la compagnie montre que si les services systèmes pour le réglage secondaire étaient rémunérés de 50% en plus et si le coût des volants d'inertie baissait de 25% cette solution deviendrait rentable.
Exemples de soutien au réseau par des unités de stockage
Alors que le stockage d'énergie parvient à maturité, nombre d'acteurs américains envisagent de s'en servir pour le soutien au réseau pour plusieurs raisons :
- bien que ce soit un marché de niche, le réglage de fréquence est un des usages du stockage les mieux rémunérés [10];
- plusieurs technologies de stockage comme les volants d'inertie et certaines batteries (lithium, plomb de nouvelle génération) ont un temps de réaction bien inférieur à celui des moyens conventionnels (turbines de centrale thermique ou hydroélectrique), ce qui permet d'apporter un service de meilleure qualité [11];
- les programmes pilotes en cours, dont certains sont recensés ci-dessous, sont très satisfaisants.
Cependant, les réglementations qui régissent le secteur électrique ont été conçues et établies à une époque où le stockage n'existait pas. Les conditions nécessaires pour assurer un soutien au réseau sont parfois impossible à réunir pour les unités de stockage car elles ont été faites sur mesure pour des moyens de production. C'est pourquoi une "révolution" est à l'oeuvre actuellement aux Etat-Unis : de nombreuses concertations ont lieu pour remanier les textes et faire une place au stockage dans le systèmes électrique, tant au niveau fédéral [12] qu'au niveau local [13] [14].
Une opportunité particulière pour le réglage primaire?
Robert Misback, le dirigeant d'Altairnano, pense que le réglage primaire de fréquence est un usage sur lequel le stockage peut vraiment faire la différence grâce à une réponse en charge ou décharge très rapide (de l'ordre de la milliseconde). D'après lui, les critères qui définissent la valeur du stockage diffèrent selon les applications: si l'on exploite l'énergie, c'est le différentiel de prix entre les heures creuses et les heures pleines qui indique la valeur tandis qu'on considérera les problèmes techniques résolus si l'on exploite la puissance.
Or, justement, deux rapports récents du Lawrence Berkeley National Laboratory commandités par la Federal Energy Regulatory Commission décrivent des problèmes techniques pouvant arriver suite à un incident sur le réseau [1] [15]. Ceux-ci sont amenés à croître car en insérant plus d'énergies intermittentes on diminue l'inertie du système électrique tout en augmentant les besoins de réglage secondaire. Ceci créera, par interaction, un déplacement des réserves de contrôles de réglage primaire et ce sont les quelques secondes suivant l'incident qui sont primordiales pour stopper la chute de fréquence.
Dans des travaux de thèse de Gauthier Delille en France sur le stockage on trouve une idée: instaurer un nouveau service de "soutien dynamique" qui conjointement au réglage de fréquence primaire, pallie la réponse trop lente de certains groupes de production [16].
Bien que le chemin vers la mise en place et la rémunération de tels services semble long, l'avis de Mr. Misback est sans doute bien fondé. Malgré les lenteurs parfois reprochées au secteur de l'électricité historiquement régulé et par nature "risquophobe" (les conséquences d'un black out sont importantes) on observe actuellement, comme indiqué précédemment, un regain de dynamisme et une accélération des procédures par les régulateurs. Enfin, si l'insertion des renouvelables peut être sujette à débat (coût élevé, intermittence, importance du changement climatique etc.), la fiabilité du réseau et la continuité du service de l'électricité sont non négociables dans les pays riches et peut-être même considérées comme des besoins fondamentaux. Il devrait donc être possible de se faire rémunérer pour ce service.
SOURCE : - [1] Use of Frequency Response Metrics to Assess the Planning and Operating Requirements for Reliable Integration of Variable Renewable Generation, LBNL, déc. 2010 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/kScxS
- [2] Integration of Renewable Resources, CAISO, 31 août 2010 -http://www.caiso.com/2804/2804d036401f0.pdf
- [3] Vinod Khosla Slaps Energy Storage With Some Tough Love, GreenTech Media, 10 juin 2011 : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/L94I5
- [4] http://www.altairnano.com
- [5] Un projet de batterie à flux continu au Lawrence Berkeley National Laboratory financé par ARPA-E, Bulletin Electronique Etats-Unis n°234, 4 fév. 2011 -http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65800.htm
- [6] Page stockage du blog de la mission scientifique du consulat de France à San Francisco - http://frenchsciencesf.wordpress.com/stockage/
- [7] The Role of Electricity Markets and Market Design in Integrating Solar Generation, Department of Energy, mai 2011 :http://www.nrel.gov/docs/fy11osti/50058.pdf
- [8] Electricity Grid Quiz: Test Your Electron Wits - 13 mostly tough questions about the electrical grid, GreenTech Media, 12 mai 2011 :http://redirectix.bulletins-electroniques.com/utfxQ
- [9] Moving Energy Storage from Concept to Reality: Southern California Edison's Approach to Evaluating Energy Storage, SCE, mai 2011 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/f1wk2
- [10] Electric Energy Storage Technology Options - A primer on Applications, Costs & Benefits, Electric Power Research Institute, déc. 2011
- [11] Energy Storage-a Cheaper, Faster, & Cleaner Alternative to Conventional Frequency Regulation, Strategen pour CESA, 16 fév. 2011 -http://redirectix.bulletins-electroniques.com/bQ32w
- [12] Frequency Regulation Compensation in the Organized Wholesale Power Markets, FERC, 17 fév. 2011 - http://www.ferc.gov/whats-new/comm-meet/2011/021711/E-4.pdf
- [13] Presentations for the April 28, 2011, Workshop on Energy Storage for Renewable Integration : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/nzofT
- [14] Electric Energy Storage Workshop à la California Public Utility Commission, 28 juin 2011 : http://www.lawofrenewableenergy.com/articles/integration/
- [15] Dynamic Simulation Studies of the Frequency Response of the Three U.S. Interconnections with Increased Wind Generation, LBNL, déc. 2010 :http://certs.lbl.gov/pdf/lbnl-4146e.pdf
- [16] "Contribution du Stockage à la Gestion Avancée des Systèmes Electriques - Approches Organisationnelles et Technico -économiques dans les Réseaux de Distribution", Gauthier Delille - Ecole Centrale de Lille & EDF :http://redirectix.bulletins-electroniques.com/LBcCi
Pour en savoir plus :
- Assembly Bill No. 2514 : la capacité de stockage à disponibilité du réseau électrique californien pourrait être quantifié par la loi (a l'instar de l'objectif de 33% d'énergie renouvelables pour 2020) : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/dAanK
- Documents sur la fiabilité du système électrique
* http://redirectix.bulletins-electroniques.com/DHOHu
* http://certs.lbl.gov/certs-rtina-pubs.html
- Documents sur la fiabilité du système électrique
* http://redirectix.bulletins-electroniques.com/DHOHu
* http://certs.lbl.gov/certs-rtina-pubs.html
ORGINE :BE Etats-Unis numéro 253 (1/07/2011) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/67162.htm
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