Les flux d'énergie électrique sur le marché français tels qu'ils sont organisés par la loi NOME peuvent être schématisés comme suit :
Avant la mise en place de la loi NOME, la consommation des clients finals est assurée principalement par des transactions hors marché (contrats aux tarifs réglementés). Le marché de gros français est constitué par les pertes de réseaux, 12 % de la consommation finale et les exportations.
La mise en place de la loi NOME ne va pas entraîner de mouvement majeur sur le marché de gros qui va rester sensiblement inchangé. La fin du TaRTAM puis progressive des tarifs verts et jaunes va réduire la part de la demande traitée hors marché au profit d'une demande traitée via l'ARENH.
A compter de 2013, avec la possibilité d'acheter les pertes via l'ARENH, le marché de gros français sera amputé de 12% de sa taille. Pour la production, cela implique une part moins importante de celle-ci mise sur le marché (la part correspondant aux pertes).
En conclusion de ces schémas, on peut constater que seuls 25% de la consommation nationale transitent par le marché. Cette part transitant par le marché est de plus constituée essentiellement de l'électricité de pointe.
On peut donc légitimement s'interroger sur la validité de prix établis sur un marché si peu représentatif de la réalité des coûts globaux de production.
L'alignement du niveau des tarifs réglementés de vente construits à partir de coûts constatés sur les prix de marché peu représentatifs de ces mêmes coûts perd de son sens économique.
Les hausses prévisibles de la facture d'énergie
1. Les hausses attendues du TURPE
Le mode d'évolution du TURPE 3, entraîne une augmentation au 1er août 2011 de 5%. Les déclarations du Premier Ministre le 5 avril 2011 encadrant les augmentations des tarifs de l'électricité jusqu'au 1er juillet 2012 limitent l'augmentation du TURPE au 1er août 2011 à 3%. L'apurement du CRCP est reporté.
Le solde du CRCP non apuré sera intégralement repris dans la période tarifaire suivante, TURPE 4, décidé au 1er août 2012.
En août 2012, l'augmentation du TURPE sera calculée sur la base du mécanisme d'évolution du TURPE oeuvrant depuis le TURPE 3 et comprendra donc 2% [inflation] défalquée de -1.3% [facteur de "productivité"] auquel s'ajoutera +2% pour apurer le CRCP soit 5.3%.
Dans le même temps, la nouvelle période tarifaire s'ouvrant en 2013 devra permettre à ERDF de financer le déploiement des compteurs communicants tel que prévu au décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité. L'investissement évalué à 4Mds€1 par ERDF sera à réaliser selon le rythme suivant :
- début du déploiement en 2012
- 50% des compteurs posés à fin 2014
- 95% des compteurs posés à fin 2016.
La prochaine période tarifaire du TURPE aura donc à accompagner le financement de cette opération.
Pour financer le déploiement du compteur communicant une hausse de 4% sur la période tarifaire 2012-2016 est probable tenant compte des hypothèses suivantes :
- un investissement amorti sur 15 ans
- une rémunération des investissements maintenue à 7.25% dans la cadre de TURPE 4
- une économie à terme sur les charges d'exploitation de 300M€/an.
En conséquence, les hausses attendues du TURPE sont :
- au 1er août 2012 : 5.3% (soit : 2% d'inflation + 1,3% de "coefficient de productivité" + 2% d'apurement du CRCP)
- au-delà de 2012 : l'évolution est plus difficile à projeter compte tenu des incertitudes entourant les principes de fonctionnement de TURPE 4. Mais, d'une manière ou d'une autre, il faudra prendre en compte :
l'inflation (+2%/an) ;
le financement du projet LINKY (4% sur la période répartis à un niveau de 1% par an) ;
à trajectoire d'investissement constante, un facteur de "productivité" équivalent à l'actuel -(-1.3%) = +1.3% par an) pour tenir compte des autres investissements à réaliser.
Ce qui signifie une augmentation de l'ordre de 2+1.3+1 = +4.3% par an.
N'est pas pris en compte dans l'évolution du TURPE retenue ci-dessus l'apurement du CRCP qui, dépendant fortement du coût d'achat des pertes, est difficile à évaluer (les pertes pourront être achetées à un fournisseur ayant accès à l'ARENH à compter de 2013).
2. L'impact de la CSPE
La contribution est due par tous les consommateurs finals d'électricité au prorata des kWh consommés (y compris les auto-producteurs). Elle était fixée à 4,5 €/MWh depuis 2004 et plafonnée par la loi du 10 février 2000 à un maximum de 5,58 €/MWh.
La délibération de la CRE en date du 7 octobre 2010, publiée le 3 janvier 2011, établit les éléments suivants :
les charges prévisionnelles de service public de l'électricité pour l'année 2011 s'élèvent à 3 465 M€ dont 3 226 M€ pour EDF.
le montant du déficit 2009 s'établit à 1 030 M€ pour EDF. A noter que le déficit 2010 (du même ordre) ne sera pris en compte que pour 2012.
le montant du déficit cumulé antérieur (surcoûts supportés par EDF au titre des années 2004 à 2008) qui doit être intégré dans la prévision des charges de service public 2010 s'élève à 27 M€. (0,1€/MWh)
la part de la CSPE 2010 nécessaire pour financer le budget du médiateur national de l'énergie est estimée à 0,02 €/MWh (inchangée).
la part de la CSPE 2010 nécessaire pour financer le budget TPN et mesures sociales est estimée à 0,2 €/MWh (inchangée).
Ainsi, les charges de service public s'élèvent globalement à 4816 M€ dont 4597 M€ pour EDF.
Le montant prévisionnel de la CSPE pour 2011 est évalué à 12,9 €/MWh (4 816 M€ /373 TWh consommés).
La loi de finances 2011 a supprimé le plafonnement de la CSPE inscrit dans la loi du 10 février 2000 et a précisé que, sauf arrêté, le montant de la CSPE est fixé conformément à la délibération de la CRE, dans la limite d'une augmentation maximale de 3€/MWh par rapport à l'année précédente.
Ainsi donc, le montant de la CSPE s'est trouvé fixé automatiquement au 1er janvier 2011 à 7,5 €/MWh.
Compte tenu de ce niveau de 7,5€/MWh, le montant de la contribution qui sera recouvré en 2011 est de 2 750 M€ et le déficit pour 2011 atteindra donc 2 Md€. A cela, il faut ajouter le déficit 2010 qui peut être estimé à 1 Md€.
Le déficit cumulé pour EDF va donc encore se creuser et devrait atteindre 3 Md€ à fin 2011.
Pour 2012, le Premier Ministre a annoncé dans son communiqué de presse du 5 avril 2011 que l'augmentation de la CSPE de 3€M/Wh aura lieu pour moitié au 1er juillet 2011 et pour moitié au 1er juillet 2012. Ces dispositions sont confirmées dans la loi de finances rectificative de juin 2011.
Pour 2013, compte tenu de la prise en compte du déficit 2010 (1Md€), il faut donc d'ores et déjà considérer que la CSPE verra une nouvelle augmentation de 3% au 1er janvier 2013, 3% au 1er janvier 2014 et 2% au 1er janvier 2015.
3. Les conséquences du prix de l'ARENH
Un prix de l'ARENH établi à 42€/MWh entraîne une hausse de 11% de la facture finale des usagers du tarif réglementé.
L'alignement du niveau des tarifs réglementés avec le niveau de l'ARENH est à faire progressivement d'ici le 31 décembre 2015, selon la loi NOME. Les pouvoirs publics gardent la responsabilité du niveau des tarifs jusqu'en 2013, date à laquelle la CRE définira les mouvements tarifaires.
En prenant l'hypothèse d'un prix de l'ARENH stable à 42€/MWh jusqu'en 2015, la hausse de la facture sera lissée sur la période allant de 2012 à 2015 soit 2.75%/an.
Conclusion
La hausse moyenne des tarifs bleus suite aux deux mouvements tarifaires successifs en 2009 et 2010 est de 4.9% pour les ménages et 5.9% pour les professionnels.
Pour les tarifs jaunes et verts, le mouvement tarifaire de 2010 avait opéré une augmentation de 4.5 et 5.5% respectivement après un mouvement similaire en 2009.
Le 7 juin 2011, le ministre de l'Energie a transmis à la CRE un projet d'arrêté prévoyant une augmentation de 4.9% pour ces tarifs jaunes et verts au 1er juillet 2011.
Enfin, la loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité ouvre la voie à horizon du 31 décembre 2015 de l'alignement du niveau des tarifs avec les prix de marché et la suppression des tarifs verts et jaunes.
Une projection de l'évolution des tarifs montre une augmentation de 30% des tarifs au moins d'ici décembre 2015.
Par l'effet de la mise en oeuvre des dispositions réglementaires du décret n°2009-975 du 12 août 2009 et des arrêtés "tarifs" suivants, chaque option ou version compense avec les recettes qu'elle génère au fournisseur, les charges qu'elle induit.
Il n'y a donc plus de répartition des charges et des ressources entre les options et versions tarifaires.
La répartition des charges et des ressources entre usagers d'un même service public est une définition de la péréquation.
En ce sens, il apparaît que le tarif réglementé de vente n'opère donc plus de péréquation entre les consommateurs usagers du tarif.
Conséquence de la nécessité de l'équilibre des recettes et des charges pour chacune des options et versions tarifaires, les offres tarifaires de maîtrise de l'énergie deviennent moins attractives faisant peu à peu disparaître les leviers pour agir sur le comportement des usagers.
Qui plus est, aucune modulation tarifaire n'est plus proposée pour le tarif d'éclairage public. Ce point est surprenant compte tenu du gisement d'économie d'énergie et de rationalisation qui reste à mener sur les réseaux d'éclairage public.
Source : mémorandum publié le 15 juin 2011
1 Le montant de l'investissement de 4Md€ retenu est celui présenté par ERDF. Cependant ce montant pourrait être plus important si comme l'affirme le SERCE notamment le temps de pose s'avère plus long que prévu (de l'ordre de l'heure). Le montant de l'investissement pourrait alors être doublé pour atteindre 8Md€.
Source : Gazelec
par Catherine Peyge, Présidente, Sipperec |
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