lundi 20 février 2012

Couches minces pour le photovoltaïque : un enthousiasme plus modéré qu'auparavant ?

A San Francisco les 1er-2 février 2012, on a pu assister à l'édition annuelle de la conférence Photon, organisateur d'évènements et magazine de référence dans l'énergie photovoltaïque [1].

La journée dédiée aux modules photovoltaïques en matériaux "couches minces" était essentiellement centrée sur l'alliage CIGS (diséléniure de cuivre d'indium et de gallium). Cette technologie présente comme particularité une grande variété de modes de fabrication des cellules, et chaque entreprise ou startup semble développer un procédé de déposition propre, utilisant généralement l'une des trois techniques suivantes: sputtering, co-évaporation ou électro-déposition. Ce n'est pas nouveau (nous le mentionnions déjà en 2010 [2]), mais à l'heure de la maturation de la technologie il semblerait que cela puisse entraver le développement à grande échelle du CIGS, et certains intervenants ont émis des réserves sur le développement tous azimuts de la filière.

Les différents procédés de fabrication du CIGS et les choix des industrielsCrédits : NREL

Par exemple Markus Beck, qui était directeur scientifique à Solyndra avant de rejoindre First Solar en 2007, regrette que l'argent et les efforts aient été dispersés: "le fait que l'on puisse fabriquer du CIGS de différentes manières nous a égaré et nous avons éparpillé nos efforts sur trop de projets de recherche et développement, trop de ré-inventions de la roue" [3]. D'après lui, l'influence et l'intérêt des capital-risqueurs pour le CIGS en tant que nouvelle technologie a pu être parfois contre-productif, car ces investisseurs se concentrent sur des solutions de rupture. Pour séduire des fonds, les entreprises annoncent donc des solutions innovantes, constatent parfois l'impasse de leurs recherches mais persistent tout de même dans leur élan initial à cause de la pression financière des capital-risqueurs.

L'allemand Dieter Manz partageait cette analyse. Son entreprise, qui vient de racheter la ligne de production de Würth Solar, commercialise des lignes de production de modules CIGS "clés en main" [4]. Selon lui, la conception des modules, et par conséquent les équipements qui servent à les produire, doivent être plus standardisés afin que des usines importantes (500 MW à 1 GW) soient construites. Les investissements (CAPEX) pourront être réduits par exemple avec l'utilisation de verre plus fin et traité directement sur le site des usines. Lors de l'intervention de Dave Pearce de NuvoSun, Manz a émis des réserves quant aux coûts de fabrication que la startup assure atteindre avec ses équipements propriétaires.

La startup AQT Solar, qui utilise un procédé de sputtering, a exposé son projet annoncé en janvier 2012 [5] de commercialiser des modules de technologie CZTS dès 2013. Ce matériau dont la fabrication est semblable à celle du CIGS possède aujourd'hui un rendement photovoltaïque record bien plus modeste (10% par rapport à 20% pour le CIGS [6]). Toutefois le CZTS a l'avantage indéniable de s'affranchir du problème de disponibilité des éléments, notamment l'indium, qui risque de limiter les capacités de production de CIGS à court terme.

Cependant, habitué aux discours très - et parfois trop optimistes - des dernières années, le public s'est interrogé sur les objectifs annoncés par Michael Bartholomeusz, fondateur d'AQT. Rommel Noufi, chef d'un groupe de recherche au prestigieux National Renewable Energy Laboratory, a notamment mis en garde l'entreprise (et de manière plus large la filière) contre les annonces trop spectaculaires qui ne sont pas suivies de résultats. La remarque est à prendre au sérieux car l'homme est un expert scientifique de renommée mondiale et très écouté des acteurs de la filère. Un de ses projets de recherche a pour objectif de réaliser une cellule CZTS de 12% d'efficacité, puis d'atteindre 15% en 2015. D'après lui, les modules devront avoir une efficacité d'au moins 17% pour que l'objectif de coût (50 c$/Wc) soit atteint [7].

A noter: un module a un rendement plus faible que les cellules - prises individuellement - qui le constituent, et un rendement "module" de 17% exige donc une efficacité "cellule" de l'ordre de 18% ou 19%.

Ainsi, alors que la demande de modules CIGS a pris de l'ampleur en 2011, atteignant 1,2 GW d'après Lux Research [8], la technologie favorite des entrepreneurs solaires de la Silicon Valley ne semble pas encore convaincre de sa compétitivité face aux modules en silicium.



ORIGINE : BE Etats-Unis numéro 278 (17/02/2012) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69165.htm

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