Qu’y a-t-il de commun entre la conception de voiture et la création d’une entreprise ? Pas grand-chose hélas, regrette Alexander Osterwalder, un consultant spécialisé dans les modèles d’affaires de l’innovation. Pourtant, la conception des automobiles est structurée par une série d’étapes qui seraient grandement profitables pour structurer la conception d’une entreprise, estime l’auteur de Business Models Generation à l’occasion de la conférence Lift11 qui se tenait à Genève.
“Combien d’entre vous ont testé votre entreprise dans la vie réelle avant de la commencer ? Pouvons-nous formuler des modèles d’entreprise de manière semblable à la conception des voitures ? Nous savons ce qu’est une voiture ? Mais qu’est-ce qu’un modèle d’entreprise ?”interroge Osterwalder. “Décrivez votre modèle d’entreprise en 30 secondes avec votre voisin !”, lance-t-il en forme de défi à la salle en la laissant s’agiter bruyamment pendant 30 secondes.
Peut-on inventer un langage pour décrire et concevoir les modèles d’entreprise ? C’est ce que propose en tout cas la méthode du consultant articulée autour d’une “toile de modèle d’entreprise”composée de “9 molécules”, 9 Légos qui s’imbriquent les uns dans les autres et qui nécessitent de répondre à autant de questions. Qui sont les consommateurs auxquels notre produit s’adresse ? Qu’elle est la valeur de la proposition ? Comment atteint-on ses clients ? Quel type de relation ai-je établie avec ces consommateurs ? Comment les gens vont-ils dépenser de l’argent ? Comment arriver à ces sources de revenus ? Quelles sont mes activités clefs ? Quels sont mes partenaires ? Quels sont les coûts de ma structure ?
Autant de valeurs qu’il estime nécessaires pour décrire un modèle d’entreprise d’une manière plus tangible. Il prend un exemple parlant, qui est sur le même modèle que certains de ceux que décrit très bien Dominique Nora, dans les Pionniers de l’Or Vert. Le fondateur de SunEdison, Jigar Shah, a constaté ainsi que les gens n’achetaient pas de panneaux solaires, car ils jugeaient que c’était trop cher. Alors, Sun Edison a décidé de changer cela en prenant en charge le prix de l’installation en échange de l’achat de l’énergie produite pendant 10 ans. En quelques années, Sun Edison est devenu le plus grand producteur d’énergie solaire aux Etats-Unis et il se développe dans le monde entier – même si Sun Edison est concurrencé désormais par de nombreuses autres entreprises qui ont pris le même modèle d’affaires comme SolarCity par exemple.
On voit qu’ici la proposition a consisté à modifier le prototype de l’offre : son modèle économique même. “Pour trouver de nouveaux systèmes d’entreprise, il faut le concevoir pleinement”, estime Osterwalder. On peut ainsi faire des prototypes de modèles économiques différents. Et se poser des questions : que se passe-t-il si mon produit est gratuit par exemple ? Chaque technologie peut avoir plusieurs modèles économiques différents, il faut les étudier tous pour aller plus loin.
Osterwalder évoque le PeePoo Bag suédois, un sac biodégradable transformant les défécations humaines en engrais et qui se veut une solution les pays sans systèmes d’évacuation des eaux usées. Le produit est incroyable, estime Osterwalder, mais il lui faut un modèle d’entreprise pour qu’il s’implémente. Et c’est pour l’instant encore tout le problème de cette entreprise.
Mais l’avantage, notamment pour les entreprises dont les produits sont numériques, c’est qu’on peut simuler et tenter d’évaluer de manière bien plus précise des modèles d’entreprises. Et Osterwalder de donner l’exemple d’un de ses clients RunKeeper, une application qui a joué sur son modèle économique pour en comprendre la portée. L’équipe de RunKeeper a ainsi travaillé à estimer le nombre d’utilisateurs et ses gains s’ils proposaient leur produit gratuitement, de manière payante, en développant une offre professionnelle voir un abonnement mensuel peu élevé couplé à des cours de fitness… L’idée est de jouer avec les données pour savoir combien on peut gagner en modifiant les entrées du modèle économique.
Reste qu’il faut tout de même finir par tester des modèles d’entreprise, même après avoir fait des simulations, souligne le consultant. Car c’est souvent là où l’on se trompe. On présume de moyenne d’achat… Sur le papier, ça à l’air génial. Mais “il faut sortir du bâtiment et parler avec les consommateurs”. “Sauf que sur internet, c’est facile à faire. On peut mesurer l’intérêt pour un produit qui n’est pas prêt en ajoutant un bouton qui pointe vers un service qui n’est pas encore existant…”
“Retenons”, termine de manière très claire et didactique le consultant : “L’entrepreneur doit avoir une approche systématique. Il faut apprendre à jouer, prendre des risques avec les alternatives et enfin tester les hypothèses pour voir ce qui peut vraiment marcher.” Avec ces quelques conseils, vous ne pouvez assurément plus rater votre business modèle.
L’important est-il le résultat ?
Dorian Selz est un serial entrepreneur suisse, qui a lancé il y a quelques années Local.ch, le moteur et annuaire de recherche locale Suisse, et qui vient de lancer une nouvelle start-up, Memonic, une application de prise de notes en ligne. A l’inverse d’Alexander Osterwalder, qui essayait de mettre de la méthode dans les rouages des organisations, Dorian Selz dans sa présentation (.pdf) prend un contrepied et rappelle que l’intérêt rationnel n’est pas toujours le facteur explicatif principal des nouvelles formes d’organisation et de coopération.
Pour Dorian Selz, un entrepreneur doit oublier la complexité (”un modèle d’entreprise ne doit pas être plus long qu’une page A4″) : ses partenaires doivent le comprendre et comprendre aussi bien que lui ses objectifs. Il doit également laisser tomber la volonté de tout contrôler et miser sur ses utilisateurs et son équipe. L’entreprise d’aujourd’hui doit oublier le système unique : le mouton à cinq pattes et au contraire favoriser la séparation en unités indépendantes de ses équipes, process, méthodes, technos, afin que si un morceau de la chaîne tombe, ce ne soit pas grave pour l’ensemble. Dorian Selz invite également à laisser tomber la gestion de projet : il faut réduire le nombre de managers et diminuer le management qui coûtent aujourd’hui bien trop cher à la plupart des entreprises. L’entrepreneur, fier de casser les idées reçues, invite l’assistance à se défier des processus et des méthodes mises en place, souvent trop pointilleuses : il faut certes se fixer des objectifs, mais aussi savoir s’en écarter, explique-t-il en vantant les méthodes de développement agile et en s’inspirant du Manifeste pour le développement agile de logiciels. Et Dorian Selz d’expliquer que le rôle d’un patron n’est pas que ses employés lui facilitent la tâche, mais que lui leur facilite le travail.
Dans les organisations virtuelles, la présence physique n’est plus obligatoire, les réunions non plus. Memonic est une équipe de 9 personnes qui viennent du monde entier et qui a surtout besoin de pouvoir se joindre en permanence que d’organiser des réunions stratégiques incessantes. D’ailleurs, plutôt que de devoir passer son temps à résoudre des problèmes politiques au sein même d’une entreprise, Dorian Selz vente les discussions pour résoudre les problèmes. Oubliez la gestion des approvisionnements : vos fournisseurs doivent devenir des partenaires qu’il faut informer au mieux et engager dans votre politique d’entreprise…
Ces conseils que Dorian Selz présente comme étant l’essence du management moderne ne sont certainement pas applicables à toutes les formes d’entreprise, loin de là. Toutes les organisations ne sont pas reliées entre elles sans contraintes. Le manager semble surtout régler ses comptes avec le management traditionnel en égrainant les symptômes, bien réels, de son inefficacité et de ses dérives. “Seul le résultat compte”, conclut Dorian Selz. Pas sûr que cela suffit à faire stratégie.
SOURCE : InternetActu.net
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jeudi 10 février 2011
Comment créer de nouveaux modèles d’entreprise ?
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