En ces temps d'alternance politique aux Etats-Unis, et de remise en cause systématique des budgets des organismes de recherche, l'administration Obama lance une campagne de promotion pour son programme de financement de nouvelles technologies de l'énergie ARPA-E [1]. Ce programme s'attache à sélectionner puis financer pour 2 années des projets de R&D de technologies "propres" jugées immatures ou trop radicales par les acteurs classiques de l'investissement que sont les capitaux risqueurs (Venture Capitalist).
A l'heure actuelle la plupart des groupes qui ont décroché ces financements sont encore loin du but, mais ce que l'administration Obama veut mettre en valeur c'est le fait qu'un certain nombre de ces projets ont maintenant réussi à attirer une grande quantité de capitaux privés, preuve du succès de cette opération et de la nécessité de maintenir ce programme que certains voudraient bien sabrer [2].
Un programme ambitieux
L'annonce avait fait beaucoup de bruit: la nouvelle agence ARPA-Energy (ARPA-E) allait financer 37 projets de recherches sur des technologies de rupture [3], que ce soient des bactéries qui produisent du carburant, des enzymes capables de piéger le dioxyde de carbone ou des technologies de stockage de l'énergie tellement abordables qu'elles auraient un impact sur l'industrie automobile ou la génération distribuée d'énergie renouvelable [4].
L'initiative a ensuite pris de l'ampleur avec plusieurs sessions de financement [5,6,7], et s'est portée sur les sujets suivants:
- Les batteries pour le stockage énergétique dans le transport
- Les matériaux et procédés pour la capture et la séquestration du carbone.
- Le stockage énergétique stationnaire, intermittent et distribué
- Les technologies "agiles" de transmission et distribution d'électricité
- Les nouveaux carburants (biofuels, électrofuels)
- L'efficacité énergétique dans la climatisation des bâtiments
Ce sont au final 121 projets qui seront financés pour un total de $363 millions, ARPA-E étant dotée à partir de fonds du Stimulus Package. Un grand nombre de ces projets n'aboutiront pas à terme selon le secrétaire général du DoE, Steven Chu, mais l'objectif serait atteint si un certain nombre d'entre eux étaient soutenus jusqu'à obtenir d'autres financements pour survivre, déboucher sur des produits et créer des changements importants dans le paysage technologique actuel. C'est chose faite pour 6 des projets, parmi les 37 initiaux, qui ont réussi à attirer plus de $100 millions d'investissements privés suite au financement initial de $24 millions du DoE [8].
Les lauréats
Les lauréats se répartissent sur plusieurs sujets:
Les énergies renouvelables
1366 Technologies: cette startup avait obtenu $4 millions d'ARPA-E pour fabriquer les plaquettes de silicium utilisées dans les cellules solaires dans leur forme finale, permettant de réduire le coût de fabrication de 40%. Depuis elle a réussi à lever plus de $30 millions en fonds privés.
Flodesign: cette startup s'inspire des moteurs d'avions pour développer une éolienne révolutionnaire. Sa bourse de $8 millions lui a ainsi permis de lever $27 millions supplémentaires.
Le stockage
Envia Systems: cette socitété utilise une technologie de cathode issue du Argonne National Lab (un laboratoire du DoE) qui permettrait de doubler la capacité de stockage d'une batterie comme celle que l'on trouve dans une Chevrolet Volt. Du coup General Motors vient récemment d'investir massivement dans cette startup par l'intermédiaire de son bras financier GM Ventures [9]. Envia a donc un allié de poids pour commercialiser sa technologie, et se concentre maintenant sur l'anode.
24M: Spin-off de la célèbre A123 et du MIT (dont cette dernière est aussi issue), elle se concentre sur les batteries pour véhicules électriques. Elle vient de lever $10 millions supplémentaires pour améliorer la densité énergétique des batteries pour véhicules électriques.
General Compression: cette société développe un démonstrateur pour stocker l'électricité sous forme d'air comprimé. Elle a réussi à transformer une bourse ARPA-E de $750,000 en un financement privé de $12 millions.
Les biofuels
Sun Catalytix: la technologie financée par ARPA-E permet de casser les molécules d'eau grâce à un catalyseur et de récupérer l'hydrogène qui peut être ensuite converti en carburant ou en électricité. Cette startup a levé presque $10 millions par rapport au $4 millions originaux d'ARPA-E, malgré que sa technologie soit encore très loin d'une éventuelle commercialisation.
Sur le bien fondé de ce type de financement
Il est difficile de savoir à terme quelles seront les répercussions de ces travaux et si ces startups réussiront leur mue, mais nous pouvons observer un certain nombre d'indicateurs [2] :
Le regard des VCs
6 projets sur les 37 initiaux, ce n'est pas si mal pour commencer. Pour Josh Lerner, professeur à la prestigieuse Harvard Business School et expert en Venture Capital, il aurait été surprenant que la plupart des projets trouvent des financements. Cela aurait d'ailleurs voulu dire que ces projets n'auraient pas eu besoin d'être incubés par le DoE, et qu'ils auraient pu survivre seuls. Il y aurait donc peu de chance pour que ces projets aient l'impact désiré sur le paysage technologique actuel.
Par ailleurs le fait que le gouvernement n'ait pour sa part pris aucune participation dans les start-ups, que certains auraient pu juger comme une absence totale de contrepartie à ces investissements, est jugée positivement par les investisseurs. En effet, ils n'aiment pas partager la propriété intellectuelle comme on le voit dans les tentatives des laboratoire du DoE de monétiser les résultats de leurs recherches. Pour d'autres, une prise d'intérêt de l'état aurait pour effet d'orienter les startups d'avantage vers la commercialisation, alors que le but premier est l'exploration scientifique.
L'emblématique Vinod Khosla a lui carrément investi dans 3 des projets ARPA-E. Son opinion est claire: selon lui la moitié des startups financées par ARPA-E devraient réussir à décrocher des financements privés. L'obtention d'un financement ARPA-E est une garantie supplémentaire du succès de ces startups. La raison? La grande force d'ARPA-E c'est le comité scientifique de sélection. Car même si les scientifiques ne comprennent pas le côté commercial, pour Khosla ils connaissent les technologies concurrentes sur le bout des doigts.
L'excellence technologique
Il est en effet crucial que les projets soient évalués par les meilleurs scientifiques. A cette fin le DoE avait contacté les présidents d'universités américaines pour leur demander de mettre à la disposition d'ARPA-E les meilleurs et plus brillants éléments pour les évaluations. C'est ainsi que 500 scientifiques furent sélectionnés pour initialement choisir ces 37 projets parmi les 3600 dépôts de candidatures.
Commentaire
Avec la pression actuelle qu'exercent les républicains, et l'idéologie que le secteur privé est mieux armé que le gouvernement pour financer ces activités de R&D risquées, il était primordial pour le gouvernement de communiquer sur ces 6 startups, même si cela représente un petit nombre.
Il faut noter malgré tout qu'un certain nombre de projets financés par ARPA-E sont portés par des institutions telles que UC Berkeley, Harvard, et le MIT. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que ces projets attirent les capitaux risqueurs avant que ne soit créée une entité possédant la propriété intellectuelle sur les technologies. Et à l'heure actuelle, il s'agit de plus de 50 projets sur les 121 retenus. Par ailleurs plusieurs industriels, comme Boeing et General Electric, sont en charge de projets ARPA-E. Les avancées produites par ces projets ne se répercuteront donc sans doute pas en terme de financement comme pour des startups et pourraient se retrouver peu visible. Par ailleurs, sur les 31 projets initiaux qui n'ont pas attiré de financements, aucun n'a jeté l'éponge selon le DoE [2].
En conclusion, les opportunités économiques et technologiques sont sans doute plus importantes que les 6 startups actuelles et leurs $100 millions de fonds.
Pour ARPA-E, la prochaine échéance sera le sommet qui se prépare fin février 2011 [10], puis les premières échéances pour les premiers projets financés. Il sera alors intéressant de voir ceux qui arrivent à voler de leurs propres ailes.
A l'heure actuelle la plupart des groupes qui ont décroché ces financements sont encore loin du but, mais ce que l'administration Obama veut mettre en valeur c'est le fait qu'un certain nombre de ces projets ont maintenant réussi à attirer une grande quantité de capitaux privés, preuve du succès de cette opération et de la nécessité de maintenir ce programme que certains voudraient bien sabrer [2].
Un programme ambitieux
L'annonce avait fait beaucoup de bruit: la nouvelle agence ARPA-Energy (ARPA-E) allait financer 37 projets de recherches sur des technologies de rupture [3], que ce soient des bactéries qui produisent du carburant, des enzymes capables de piéger le dioxyde de carbone ou des technologies de stockage de l'énergie tellement abordables qu'elles auraient un impact sur l'industrie automobile ou la génération distribuée d'énergie renouvelable [4].
L'initiative a ensuite pris de l'ampleur avec plusieurs sessions de financement [5,6,7], et s'est portée sur les sujets suivants:
- Les batteries pour le stockage énergétique dans le transport
- Les matériaux et procédés pour la capture et la séquestration du carbone.
- Le stockage énergétique stationnaire, intermittent et distribué
- Les technologies "agiles" de transmission et distribution d'électricité
- Les nouveaux carburants (biofuels, électrofuels)
- L'efficacité énergétique dans la climatisation des bâtiments
Ce sont au final 121 projets qui seront financés pour un total de $363 millions, ARPA-E étant dotée à partir de fonds du Stimulus Package. Un grand nombre de ces projets n'aboutiront pas à terme selon le secrétaire général du DoE, Steven Chu, mais l'objectif serait atteint si un certain nombre d'entre eux étaient soutenus jusqu'à obtenir d'autres financements pour survivre, déboucher sur des produits et créer des changements importants dans le paysage technologique actuel. C'est chose faite pour 6 des projets, parmi les 37 initiaux, qui ont réussi à attirer plus de $100 millions d'investissements privés suite au financement initial de $24 millions du DoE [8].
Les lauréats
Les lauréats se répartissent sur plusieurs sujets:
Les énergies renouvelables
1366 Technologies: cette startup avait obtenu $4 millions d'ARPA-E pour fabriquer les plaquettes de silicium utilisées dans les cellules solaires dans leur forme finale, permettant de réduire le coût de fabrication de 40%. Depuis elle a réussi à lever plus de $30 millions en fonds privés.
Flodesign: cette startup s'inspire des moteurs d'avions pour développer une éolienne révolutionnaire. Sa bourse de $8 millions lui a ainsi permis de lever $27 millions supplémentaires.
Le stockage
Envia Systems: cette socitété utilise une technologie de cathode issue du Argonne National Lab (un laboratoire du DoE) qui permettrait de doubler la capacité de stockage d'une batterie comme celle que l'on trouve dans une Chevrolet Volt. Du coup General Motors vient récemment d'investir massivement dans cette startup par l'intermédiaire de son bras financier GM Ventures [9]. Envia a donc un allié de poids pour commercialiser sa technologie, et se concentre maintenant sur l'anode.
24M: Spin-off de la célèbre A123 et du MIT (dont cette dernière est aussi issue), elle se concentre sur les batteries pour véhicules électriques. Elle vient de lever $10 millions supplémentaires pour améliorer la densité énergétique des batteries pour véhicules électriques.
General Compression: cette société développe un démonstrateur pour stocker l'électricité sous forme d'air comprimé. Elle a réussi à transformer une bourse ARPA-E de $750,000 en un financement privé de $12 millions.
Les biofuels
Sun Catalytix: la technologie financée par ARPA-E permet de casser les molécules d'eau grâce à un catalyseur et de récupérer l'hydrogène qui peut être ensuite converti en carburant ou en électricité. Cette startup a levé presque $10 millions par rapport au $4 millions originaux d'ARPA-E, malgré que sa technologie soit encore très loin d'une éventuelle commercialisation.
Sur le bien fondé de ce type de financement
Il est difficile de savoir à terme quelles seront les répercussions de ces travaux et si ces startups réussiront leur mue, mais nous pouvons observer un certain nombre d'indicateurs [2] :
Le regard des VCs
6 projets sur les 37 initiaux, ce n'est pas si mal pour commencer. Pour Josh Lerner, professeur à la prestigieuse Harvard Business School et expert en Venture Capital, il aurait été surprenant que la plupart des projets trouvent des financements. Cela aurait d'ailleurs voulu dire que ces projets n'auraient pas eu besoin d'être incubés par le DoE, et qu'ils auraient pu survivre seuls. Il y aurait donc peu de chance pour que ces projets aient l'impact désiré sur le paysage technologique actuel.
Par ailleurs le fait que le gouvernement n'ait pour sa part pris aucune participation dans les start-ups, que certains auraient pu juger comme une absence totale de contrepartie à ces investissements, est jugée positivement par les investisseurs. En effet, ils n'aiment pas partager la propriété intellectuelle comme on le voit dans les tentatives des laboratoire du DoE de monétiser les résultats de leurs recherches. Pour d'autres, une prise d'intérêt de l'état aurait pour effet d'orienter les startups d'avantage vers la commercialisation, alors que le but premier est l'exploration scientifique.
L'emblématique Vinod Khosla a lui carrément investi dans 3 des projets ARPA-E. Son opinion est claire: selon lui la moitié des startups financées par ARPA-E devraient réussir à décrocher des financements privés. L'obtention d'un financement ARPA-E est une garantie supplémentaire du succès de ces startups. La raison? La grande force d'ARPA-E c'est le comité scientifique de sélection. Car même si les scientifiques ne comprennent pas le côté commercial, pour Khosla ils connaissent les technologies concurrentes sur le bout des doigts.
L'excellence technologique
Il est en effet crucial que les projets soient évalués par les meilleurs scientifiques. A cette fin le DoE avait contacté les présidents d'universités américaines pour leur demander de mettre à la disposition d'ARPA-E les meilleurs et plus brillants éléments pour les évaluations. C'est ainsi que 500 scientifiques furent sélectionnés pour initialement choisir ces 37 projets parmi les 3600 dépôts de candidatures.
Commentaire
Avec la pression actuelle qu'exercent les républicains, et l'idéologie que le secteur privé est mieux armé que le gouvernement pour financer ces activités de R&D risquées, il était primordial pour le gouvernement de communiquer sur ces 6 startups, même si cela représente un petit nombre.
Il faut noter malgré tout qu'un certain nombre de projets financés par ARPA-E sont portés par des institutions telles que UC Berkeley, Harvard, et le MIT. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que ces projets attirent les capitaux risqueurs avant que ne soit créée une entité possédant la propriété intellectuelle sur les technologies. Et à l'heure actuelle, il s'agit de plus de 50 projets sur les 121 retenus. Par ailleurs plusieurs industriels, comme Boeing et General Electric, sont en charge de projets ARPA-E. Les avancées produites par ces projets ne se répercuteront donc sans doute pas en terme de financement comme pour des startups et pourraient se retrouver peu visible. Par ailleurs, sur les 31 projets initiaux qui n'ont pas attiré de financements, aucun n'a jeté l'éponge selon le DoE [2].
En conclusion, les opportunités économiques et technologiques sont sans doute plus importantes que les 6 startups actuelles et leurs $100 millions de fonds.
Pour ARPA-E, la prochaine échéance sera le sommet qui se prépare fin février 2011 [10], puis les premières échéances pour les premiers projets financés. Il sera alors intéressant de voir ceux qui arrivent à voler de leurs propres ailes.
Code brève
ADIT : 65877
Source :
- [2] Energy Firms Aided by U.S. Find Backers, NY Times, February 2nd 2011
- [3] Bold, Transformational Energy Research Projects Win $151 Million in Funding, ARPA-E News, October 2009
- [4] Energy Department Aid For Scientists on the Edge, NY Times, October 2009
- [5] Vice President Biden Announces Recovery Act Funding for 37 Transformational Energy Research Projects, ARPA-E News, April 2010
- [6] Department of Energy Awards $92 Million for Groundbreaking Energy Research Projects, ARPA-E News, July 2010
- [7] Secretary Chu Awards $9.6 Million for Transformational Energy Research Projects, ARPA-E News, September 2010
- [8] Six ARPA-E Projects Illustrate Private Investors Excited About Clean Energy Innovation, ARPA-E News, February 3rd 2011
- [9] GM Ventures Invests $7M in Battery Startup Envia, GigaOM, January 26 2011
- [10] 2011 ARPA-E ENERGY INNOVATION SUMMIT
ORIGINE : BE Etats-Unis numéro 235 (11/02/2011) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65877.htm
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