vendredi 6 août 2010

Le crowdsourcing de l'innovation, pilule contre le biais de l'expertise

Nous tendons traditionnellement à confier l'innovation aux experts du domaine où l'on veut innover ou aux experts de l'innovation. Une autre démarche commence à se généraliser : chercher l’innovation partout - ou presque.

Par Klaus-Peter Speidel, co-fondateur de hypios et enseignant à Science Po Poitiers.

Pour donner de l’envol à l’innovation, de plus en plus d’entreprises ont entamé une démarche de crowdsourcing de l’innovation, ou innovation "par la foule". Celle-ci peut avoir lieu sous forme de concours ou d’appel à propositions avec les employées d’une entreprise ou, mieux encore, de façon ouverte sur le site de l’entreprise ou à l’aide d’intermédiaires qui anonymisent la provenance des problèmes et organisent le concours. On peut distinguer deux grandes approches: les concours à idées, thématiques ou non, et qui sont très fréquents. Et les concours de résolution de problèmes. Encore rares en France, ils sont pratiqués avec beaucoup de succès par des entreprises aussi diverses qu’Eli Lilly, Procter and Gamble, Google, Kraft ou L’Oréal, autant que par la NASA, et plus récemment aussi par de plus petites structures comme DownEast Power aux Etats-Unis.


Trois avantages à cette approche

Je vois trois avantages à ce type de concours: le premier est de rendre à Jacques ce qui est à lui. L’élimination d’intermédiaires dont les participants craignent (parfois à raison) qu’ils prennent crédit de leurs propositions met en confiance les participants, employés à différents niveaux, experts ou non. Deuxième : l’élimination du biais de l’expert. Les personnes de "la foule" se recommandent par leur contribution spécifique au concours et non pas par leur réputation. Un étudiant brillant a la même chance de gagner qu’un professeur reconnu par ses pairs. Dernier avantage : accéder à des perspectives multiples. Le fait qu’un problème soit soumis à des amateurs et des experts d’autres domaines induit des changements de perspective intéressants. Dans l’un des cas les plus anciens de concours de résolution de problèmes, le Longitude Prize de 1714, la marine anglaise avait cherché un moyen fiable de déterminer la longitude des bateaux en mer. Les experts de l’époque - parmi lesquels Isaac Newton - avaient longtemps planché sur une solution astronomique, sans succès.


Bénéficier d'un regard externe

C’est John Harrison, un horloger autodidacte, qui a résolu le problème en proposant d’embarquer une montre précise, développée par luiet calée sur l’heure de Londres. Et de comparer l’heure de la montre avec l’heure locale. La solution est techniquement complexe, mais conceptuellement si simpleque les experts de la couronne lui ont refusé le prix. C’est grâce à l’intervention du roi George III qu’une partie de la somme lui a été accordée. Cet exemple montre les vertus du crowdsourcing de l’innovation : la solution peut être inattendue et plus élégante parce que les participants y portent un regard frais. Ils peuvent avoir une culture scientifique ou technique, et sont même experts dans un domaine, mais pas nécessairement du secteur où le problème apparaît. Parce qu’ils ne connaissent pas le paradigme en cours, ils ne présument pas d’un type de solution à apporter et cherchent à répondre au problème, indépendamment du paradigme ou du type de tentatives existantes.

SOURCE : L'Atelier

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