Alors que les projets de parcs éoliens off shore se multiplient au lendemain du Grenelle de la mer, l’Etat oscille entre encouragement et prudence. L’occasion de faire le point sur l’évolution du droit applicable à cette énergie avec Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement au Cabinet Huglo-Lepage & Associés et Maître de conférences à Sciences Po Paris.
Des objectifs ambitieux
Les projets de création de parcs éoliens en mer se multiplient à l’image de celui du du Grand Léjon élaboré par la société bretonne Nass & Wind au large de la baie de Saint Brieuc, d’une puissance de 240 MW générée par une quarantaine d’éoliennes et qui devrait être mis en service en 2014. Pour l’Association Européenne de l’Énergie Éolienne (EWEA), la puissance installée en 2020 en Europe pourrait atteindre 40 000 MW, soit l’équivalent de l’ensemble de la consommation domestique française (Rapport « Oceans of opportunity », sept 2009). La France, dotée de plusieurs façades maritimes, paraît bien placée pour développer cette énergie bleue. Pourtant, la France ne compte encore aucun parc éolien et les projets peinent à voir le jour. Ainsi, le projet d’un parc de 105 MW au large de Veulettes-sur-Mer près de Fécamp (Seine-Maritime) n’a pas encore été mis en service alors que la société Enertrag porte ce projet depuis un appel d’offres remporté en …2004.
Identifier les zones propices
L’objectif de développement fixé par l’Etat est pourtant précis : + 1,4 Mtep en mer d’ici à 2020 selon le Plan Borloo sur les énergies renouvelables, présenté le 17 novembre 2008. Ce plan prévoit en outre trois mesures pour atteindre cet objectif. Première mesure : la simplification de la procédure avec la suppression des zones de développement éolien. Deuxième mesure : la création d’une instance de concertation et de planification pour chaque façade maritime, sous l’égide du préfet maritime et des préfets de département qui rassemblera l’ensemble des parties prenantes et aura pour mission d’identifier des zones propices au développement de l’éolien en mer, au regard des différentes contraintes (usage de la mer, radars, réseau électrique, …). Troisième mesure : une procédure sera créée pour faciliter l’installation de parcs éoliens dans la zone économique exclusive.
A la suite de ce plan, en mars 2009, Jean-Louis Borloo a envoyé une lettre aux préfets concernés, afin qu'ils lui transmettent le document de planification avant le 15 septembre 2009. Malheureusement, cette consultation n’est toujours pas achevée. Or, il faut espérer que ce retard ne s’oppose pas à l’instruction des dossiers déposés sous couvert d’une absence de concertation.
Les mesures de simplification du droit des éoliennes en mer
La création d’un parc éolien en mer suppose aujourd’hui, à titre principal, la composition d’une étude d’impact, la délivrance d’un permis de construire par le Préfet, l’organisation d’une enquête publique et l’obtention d’une concession d’utilisation du domaine public maritime. S’ensuivra une procédure de raccordement, d’accès au réseau et de rachat d’électricité. Le projet de loi « Grenelle 2 » portant engagement national pour l’environnement, voté en première lecture par le Sénat, pourrait simplifier ce dispositif. Ainsi, son article 33 modifie la rédaction de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité de manière à ce que les éoliennes bénéficient de l’obligation d’achat tout en étant écartées du mécanisme des ZDE qui sont consacrées au développement de l’éolien terrestre.
Surtout le projet de loi Grenelle 2 prévoit de dispenser la création des éoliennes en mer de toute formalité au titre du code de l’urbanisme en les intégrant au nombre des projets dispensés visés à l’article L.421-5 du code de l’urbanisme. Il s’agirait d’une dispense totale comme l’ont indiqué lors des débats au Sénat, Chantal Jouanno, Secrétaire d’Etat à l’Ecologie et le sénateur Bruno Sido, rapporteur « dans un souci de simplification, la commission a adopté une disposition qui dispense les constructions, les aménagements, les installations et les travaux en mer de l’obtention d’un permis de construire et du respect des dispositions d’urbanisme. Ainsi les éoliennes en mer ne seront-elles plus soumises qu’à deux procédures : le classement ICPE prévu dans le présent projet de loi et l’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ».
Une éolienne en mer… une installation classée ?
Dans le même temps, le projet de loi « Grenelle 2 » prévoit que la police spéciale des éoliennes sera supprimée et ces dernières intégrées dans la nomenclature des installations classées (ICPE) visées à l’article L.511-2 du code de l’environnement. A ce jour, les critères qui permettront de ventiler les éoliennes dans les régimes de l’autorisation ou de l’enregistrement ne sont pas encore fixés. Concrètement, l’article 34 du projet de loi, dans sa version actuelle, précise que ce passage dans la police des installations s’opèrera un an après entrée en vigueur de la loi.
La distinction suivante devra alors être opérée. En premier lieu, les éoliennes classées en ICPE mais ayant fait l’objet de l’étude d’impact et de l’enquête publique suivant le régime antérieur de la police spéciale des éoliennes et bénéficiant d’un permis de construire définitif, peuvent être mises en service et exploitées dans le respect des prescriptions qui leur étaient applicables antérieurement à la date de leur classement. En second lieu, les demandes déposées pour des installations avant leur classement au titre de la police des installations classées (ICPE) et pour lesquelles l’arrêté d’ouverture d’enquête a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Pour les éoliennes terrestres ou en mer ayant fait l’objet d’une autorisation ICPE, le délai de recours pour les tiers sera de 6 mois.
La création d’un cadre juridique nouveau
En réalité, rares seront les volets de la procédure de création d’éoliennes en mer qui ne seront pas impactés, notamment par le projet de loi Grenelle 2, exception faite – pour l’heure - de l’instruction de la demande de concession d’utilisation du domaine public maritime qui demeure soumise au respect des dispositions de l’article du décret du 29 mars 2004. Il faudra apporter une attention toute particulière aux dispositions du projet de loi Grenelle 2 relatives non seulement à l’étude d’impact, à l’enquête publique mais aussi aux débats organisés par la Commission nationale du débat public. Rappelons que les parcs éoliens en mer peuvent supposer l’organisation d’un débat type CNDP. Un précédent existe puisque la Commission nationale du débat public, par une décision du 7 octobre 2009 relative au projet de parc éolien en mer des Deux-Côtes porté par la Compagnie du Vent.
En conclusion, pour se développer une activité a besoin d’un cadre juridique stable. Or, tel n’est pas encore le cas. Le projet de loi Grenelle 2 comporte une révolution possible de ce droit mais pourrait ne pas être voté avant plusieurs mois. Le régime juridique des éoliennes off shore n’est donc pas encore bien établi à l’heure où les projets se multiplient pourtant. Ils ne bénéficieront donc peut être pas de toutes les mesures de simplification annoncées par le Gouvernement et, pour assurer leur sécurité juridique, leurs exploitants doivent réaliser une veille juridique très précise des textes en cours d’élaboration.
SOURCE : GreenUnivers
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