L'Inde urbaine est déjà un marché quasi saturé pour les opérateurs mobiles. Ils vont devoir réduire leurs coûts pour conquérir les territoires ruraux, qui représentent 70 % de la population. Le taux de pénétration y est encore faible.
Voilà un pays qui fait rêver les opérateurs mobiles. En Inde, la croissance du nombre des clients a été en moyenne de 75 % par an durant la décennie 1998-2008, et le cap des 500 millions d'abonnés devrait être passé en 2010. Lorsque le quatrième opérateur du pays, Essar, a été mis en vente, les offres ont afflué. C'est finalement le britannique Vodafone qui l'a emporté pour 7,5 milliards d'euros il y a trois ans. Mais, aujourd'hui, les acteurs de ce gigantesque marché sont à la croisée des chemins : le taux d'équipement des zones urbaines a atteint 80 %, pas loin de la situation française (95 %). On frôle donc la saturation. Il va falloir puiser dans le réservoir de croissance que constituent les campagnes pour conserver un bon rythme.
C'est une extraordinaire opportunité de croissance, puisque environ 70 % des Indiens habitent dans les zones rurales, soit plus de 700 millions de personnes (le pays compte 1,1 milliard d'habitants). En dehors d'une dizaine de grandes villes, le téléphone mobile est encore très peu répandu malgré des expériences innovantes, et en dépit de la notoriété du finlandais Nokia (certains croient qu'il s'agit d'une marque locale !). Sur ces territoires, le taux de pénétration oscille entre 4 % et 32 %. La société de services et de conseil Accenture vient de réaliser une étude sur le potentiel que représente le marché rural en Inde, et sur la façon dont les opérateurs réussiront à en tirer parti.
Une demande pragmatique
Le premier défi, souligne Dominique Terosier, directeur télécoms spécialiste des marchés émergents, consiste à déployer l'infrastructure technique. Cela coûte cher dans des zones par définition peu denses, mais en plus sous-équipées. Les opérateurs sont souvent contraints d'installer leurs propres infrastructures énergétiques, par exemple des capteurs solaires. Ils doivent également adapter leurs stations de base au climat, très humide pendant la mousson. Les relais hertziens et les terminaux doivent être résistants à la poussière. Des constructeurs comme Nokia, spécialiste des pays émergents, ont d'ailleurs adapté de longue date leurs mobiles, avec des modèles blindés, à capteurs solaires, et une fonction « lampe de poche » très appréciée…
Deuxième défi, être capable de réduire les prix pour séduire les clients ruraux. « Il y a quelques années, on achetait pour le statut social. Aujourd'hui, on est pragmatique. Les ruraux veulent des téléphones avec des fonctionnalités basiques et un coût réduit », souligne Dominique Terosier. Foin du « mobile banking » qui excite tant en Occident, ou du partage de téléphones entre villageois : l'étude souligne l'aspect rationnel de la demande rurale. Le revenu moyen par utilisateur (Arpu), actuellement de 250 à 300 roupies (6 euros) par mois, va chuter. La firme ne précise pas dans quelle proportion, mais suggère sans surprise (c'est l'un des métiers d'Accenture) que les opérateurs externalisent certaines fonctions, comme la paie. « Pour réussir, il faudra changer la façon de travailler et le modèle économique », souligne Dominique Terosier. La campagne, une opportunité qui risque de coûter cher aux opérateurs.
Source : Les Echos,6/02/10
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