Signe des temps. La « reine du Net » de la fin des années 1990, l'analyste américaine Mary Meeker, vient de publier une somme de 424 pages aux accents messianiques, intitulée « The mobile Internet report ». Quatorze ans plus tôt, son « Internet report » avait fait date… ce dont on lui a d'ailleurs tenu rigueur au moment de l'éclatement de la bulle. A en croire l'analyste chez Morgan Stanley, en cette fin de décennie, l'histoire s'emballe de nouveau : « Croissant plus vite qu'Internet sur le PC, l'Internet mobile sera plus gros que ne l'imaginent la plupart des gens », annonce-t-elle. Selon ses calculs, dans cinq ans, le nombre de connectés via un terminal portable dépassera celui des internautes assis à leur bureau.
En effet, aujourd'hui, ces derniers ne sont que 1,6 milliard alors qu'il y a 4,1 milliards d'utilisateurs de mobiles. Moins chers que les ordinateurs, ces petits appareils se vendent dans toutes les couches sociales et dans tous les pays du monde. Ils se multiplient même en Afrique, où ils pallient la carence des infrastructures fixes. Dans les pays émergents, ils ont su se rendre indispensables aux agriculteurs ou aux travailleurs migrants, pour consulter les cours des matières premières ou transférer de l'argent à la famille. Cette diversité laisse augurer une croissance réellement planétaire de l'Internet mobile, alors que l'informatique a jusqu'à présent surtout colonisé les zones urbanisées et développées.
iPhone année zéro
Mary Meeker projette une explosion du trafic de données mobiles dans les cinq ans à venir, bien plus rapide que la croissance de l'Internet fixe à ses débuts. D'ores et déjà, fin septembre, l'iPhone d'Apple et son baladeur connecté à Internet, l'iPod Touch, s'étaient vendus à 57 millions d'exemplaires en neuf trimestres. Dans le même laps de temps, la communauté America Online (AOL) n'avait conquis que 7 millions de personnes, le navigateur Netscape n'avait été téléchargé que par 11 millions d'internautes et l'i-Mode, lancé par NTT DoCoMo au Japon, première expérience réussie d'Internet mobile, n'avait séduit que 25 millions d'utilisateurs…
Le lancement de l'iPhone d'Apple, en juin 2007, est en quelque sorte l'année zéro de l'Internet mobile. Bien sûr, on pouvait se connecter en mobilité auparavant, mais l'engouement pour ce terminal a cristallisé l'offre : écrans tactiles, nouveaux systèmes d'exploitation, boutiques d'applications en ligne… Les utilisateurs d'iPhone défrichent les nouveaux usages puisque la voix ne représente que 45 % de leurs communications, contre 70 % en moyenne sur l'ensemble des téléphones mobiles aux Etats-Unis.
Mais l'arrivée de l'iPhone et des « smartphones » ne fait pas tout. C'est la disponibilité des réseaux qui marque un tournant dans le décollage de l'Internet mobile. L'année prochaine, le taux de pénétration de la couverture en téléphonie de troisième génération (3G) devrait passer le cap des 20 % (15 % cette année) et devenir vraiment grand public. L'analyste note que les Etats-Unis ont à présent la plus grande base d'abonnés 3G du monde, et devraient donc être le marché le plus dynamique à court terme. Quelle avanie pour les Européens, qui croyaient encore il y a quelques années être les pionniers en matière d'« Internet 2.0 » grâce à leur avance dans le mobile ! Outre la 3G, les réseaux Bluetooth et WiFi s'étendent. Surtout, la généralisation des terminaux utilisant la norme satellitaire GPS va se traduire par de nouvelles applications géolocalisées. « Ces services devraient créer une rupture dans les modèles économiques de nombreuses industries », estime Mary Meeker. Il va y avoir de la casse. Motorola, HTC, Palm, Telefonica, Vodafone, Alcatel-Lucent, Ericsson… A en croire Morgan Stanley, aucun de ces géants n'est bien parti pour décrocher la timbale de l'Internet mobile.
Source : Les Echos, 17/12/09
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