Par Hugo Lunardelli
Qu'est-ce que Chrome OS ?
Avant de développer ces différents points, commençons par essayer de définir en quoi consiste Chrome OS en se référant à l'annonce qui en été faite le 19 Novembre au siège de Google par Sundar Pichai, VP en charge du Product Management chez Google.
Pour ceux qui souhaitent visionner le webcast de l'annonce : http://www.youtube.com/watch?v=5JyFbF7QFlY&feature=player_embedded
Pour une courte, mais néanmoins intéressante animation visant à présenter Chrome OS : http://www.youtube.com/watch?v=0QRO3gKj3qw&feature=player_embedded
Chrome OS ayant déjà fait l'objet d'une annonce en Juillet dernier, l'annonce de presse du 19 Novembre était destinée à faire un point sur l'état d'avancement du projet et sans doute à créer du buzz de façon à couvrir les nouvelles en provenance de la conférence développeur de Microsoft qui se tenait au même moment à Los Angeles.
Outre une présentation de Chrome OS sur laquelle nous allons revenir, les deux informations majeures que devaient donner Google consistaient dans la mise à disposition sous licence Open Source du projet Chrome OS et dans l'annonce que la première vague de machines reposant sur ce système serait disponible dans un an.
Comme déjà mentionné, Chrome OS vise à redéfinir le PC. Un PC, ou plutôt un netbook Chrome OS, sera une machine complètement définie et contrôlée par Google qui reposera sur un noyau Linux sur la base duquel l'unique application autorisée à s'exécuter consistera dans une version spécifique du navigateur Chrome.
Dans cet environnement système minimaliste, et donc à priori très rapide, Chrome sera utilisé pour naviguer sur le web mais surtout pour exécuter des applications HTML, exclusivement HTML, c'est-à-dire que contrairement au « PC », mais également à l'iPhone ou même à Android du même Google, aucune application native ne sera tolérée. On voit ici le credo et le pari.
Credo puriste du 100 % web qui pousse Google à une plateforme sans concessions. Pas question de supporter des applications natives. Même après qu'Apple, qui avait pourtant choisi cette option lors du lancement de la première version de l'iPhone, ait finalement choisi d'autoriser le développement d'applications natives, avec le succès que l'on sait. Google est une société née par et dans le cloud et il n'est pas question de souiller la pureté de cette approche.
Le pari consiste dans l'espoir qu'HTML 5, la prochaine version en cours de spécification de ce langage, apportera dans un avenir proche l'ensemble des fonctionnalités permettant de développer des applications Web aussi riches que peuvent l'être aujourd'hui des applications natives sous Windows 7 ou Mac OS X.
La conséquence logique de ces choix est qu'il n'y aura pas de place sur ces machines pour autre chose que Chrome. Pas de support de Safari, d'Internet Explorer, d'Opera et pas même de Firefox.
L'approche de Google est celle d'un système réduit au strict minimum dans lequel le noyau Linux sert essentiellement à lancer Chrome et où ce dernier se charge ensuite de gérer tous les aspects concernant les interactions avec l'utilisateur.
Chrome OS permettra malgré tout de gérer des périphériques, ou peut-être plus exactement de gérer les périphériques fournis avec la machine. Chrome OS ne sera pas un OS que quiconque pourra télécharger et faire s'exécuter sur sa machine.
Ce système sera exclusivement réservé à une classe de machines dont les spécifications seront précisément définies par Google. Par exemple, les disques durs traditionnels seront bannis au profit des disques SSD. La raison invoquée par Google résidant dans la volonté affichée d'optimiser la vitesse de lancement et d'exécution.
Dans cet environnement matériel étroitement contrôlé par Google, il sera possible de tirer parti d'une webcam, d'un slot USB, de la carte graphique installée mais sans doute pas de changer ces composants, de raccorder un périphérique USB qui n'ait pas fait l'objet d'une autorisation préalable.
A la question de savoir comment imprimer sous Chrome OS, Google répondait qu'il n'avait pas de réponse à apporter aujourd'hui mais qu'il travaillait à une « solution innovante », quoique cela puisse vouloir dire...
Cette volonté de contrôler étroitement le couplage entre OS et matériel fait inévitablement penser à Apple, ce qui n'a rien d'étonnant étant donné la proximité passée entre les deux firmes. Eric Schmidt, le CEO de Google, n'a que récemment démissionné du conseil d'administration d'Apple lorsqu'il était apparu que les intérêts des deux partenaires commençaient à diverger de façon trop évidente (Android vs iPhone notamment).
S'agissant d'un OS conçu par et pour le cloud, on ne s'étonnera pas de la rareté des outils permettant de fonctionner en mode déconnecté. Google promet une API pour base de données locales, la possibilité de stocker localement du contenu mais reste évasif sur ce sujet. Quand la question fût posée au chef du projet de savoir comment continuer à travailler si la connexion venait à tomber, la réponse consista à dire que même avec un portable traditionnel, il n'était plus possible de se connecter sur son Webmail en cas de coupure réseau. La réponse dénote un état d'esprit qui exclue à priori que l'on puisse avoir envie de consulter ses emails offline, une fois ceux-ci synchronisés en local.
Une interface utilisateur dérivée du navigateur Chrome
Sans vouloir entrer dans une description détaillée du prototype d'IHM qui servit de base à la démonstration de Chrome OS, disons simplement que Google a développé quelques extensions à son navigateur destinées, entre autres, à gérer ses applications favorites dans un onglet particulier appelé « app menu », cet onglet permettant de regrouper les services les plus couramment utilisés comme illustré dans l'écran ci-dessous.
La navigation entre les multiples instances de Chrome se fait via un widget intégré au navigateur et il est possible d'afficher une prévisualisation des « fenêtres » qui rappelle furieusement la barre des tâches de Windows 7.
La gestion des périphériques de stockage amovible, c'est-à-dire des clés USB, ressemblera à l'écran ci-dessous. A noter que les supports optiques ne semblent pas faire partie des futurs notebooks Chrome OS.
Dans l'écran ci-dessus, une clé USB affiche les fichiers contenus, ici quatre fichiers dotés d'une extension .xls. En double cliquant sur l'un des fichiers, le démonstrateur lança automatiquement une instance d'Excel Web Application (voir ci-dessous) qui fût qualifiée avec un sourire de « killer application » pour Chrome OS. Au-delà de l'ironie, le message que voulait faire passer Google avec cette pirouette était celui d‘une plateforme agnostique, capable de supporter tous types de fichiers.
Les objectifs affichés de Chrome OS
à plusieurs reprises sur les objectifs qu'il poursuivait avec Chrome OS : « Speed, Simplicity, Security ».
La vitesse découlera d'une architecture système simplifiée à l'extrême, de l'emploi de disques SSD et de différentes optimisations, l'objectif visé étant de démarrer en quelques secondes c'est-à-dire d'apporter une expérience comparable, en termes de réactivité, au fait d'allumer un téléviseur.
La simplicité découle à priori du parti pris 100 % web qui implique, selon Google, que l'utilisateur se sente immédiatement à l'aise avec un paradigme qu'il maîtrise et qu'il va retrouver à l'identique dans Chrome OS.
Quant à la sécurité, elle découle de décisions originales concernant l'architecture du système. Chaque composant sera signé et vérifié lors de chaque démarrage du système. Si d'aventure, Chrome OS détectait au boot un composant suspect, il serait en mesure d'interrompre le chargement du système, de télécharger automatiquement les bons composants signés et vérifiés, bref de re-imager le système et de reproduire un environnement système sûr et reconnu.
Mais la sécurité ne s'arrête pas là et s'étend à la sécurité des données et c'est là un des aspects les plus controversés de Chrome OS. Dans Chrome OS, toutes les données, sans exceptions, sont stockées sur les serveurs de Google. Les données locales, cryptées, ne sont que les copies en cache des données situées sur le serveur. Cela présente quelques avantages et pas mal d'inconvénients potentiels.
L'avantage est qu'en cas de perte ou de vol du netbook, il suffira de se procurer une nouvelle machine, de se loguer chez Google avec son identifiant Gmail pour retrouver automatiquement toutes ses données. Les données contenues dans le netbook perdu, chiffrées, ne seront pas exploitables en l'absence du login/password de l'utilisateur.
Cette approche en matière de sécurité fait irrésistiblement penser à ce que Microsoft propose à ses clients grands comptes. Fonctionnellement le résultat est le même, les données sont cryptées via BitLocker et en cas de perte du laptop, il suffit de se loguer sur son domaine professionnel pour télécharger automatiquement les applications associées au profil de l'utilisateur ainsi que les données de ce dernier qui sont stockées sur les serveurs de l'entreprise.
Ce qui est parfaitement admissible s'agissant d'une machine appartenant à un employeur et dont les données lui appartiennent ne l'est plus forcément quand il s'agit des données personnelles d'un individu.
Si l'on part de la comparaison ci-dessus, on peut dire que Google démocratise ces fonctionnalités pour le grand public en devenant de fait une super corporation et en faisant de chaque utilisateur de Chrome OS un membre de Google Inc.
On voit bien ici les conséquences d'une telle approche qui sont nombreuses, potentiellement dangereuses et sur lesquelles nous reviendrons plus loin.
Bref, Chrome OS sera un environnement système installé exclusivement en OEM sur une classe de machines de type netbook, dont les spécifications seront étroitement contrôlées par Google et sur lesquels il ne sera pas possible d'installer d'applications tierces parties non HTML, c'est-à-dire ne s'exécutant pas sous Chrome.
On ajoutera que Chrome OS ne fonctionnera pas sans connexion Wi Fi, ou alors de manière très dégradée, qu'il ne sera sans doute pas possible de modifier son notebook du point de vue du matériel et enfin que les données de l'utilisateur, que cela lui plaise ou non, seront centralisées sur les serveurs de Google, au nom bien sûr de la sécurité.
Un positionnement habile
Lors de la présentation du 19 Novembre, Google insistait sur le fait que Chrome OS n'avait en aucune manière l'intention de concurrencer Windows ou Mac OS, qu'il s'agissait d'un produit compagnon destiné à être utilisé uniquement pour surfer. Un outil ponctuel en quelque sorte, pour les utilisateurs qui passent beaucoup de temps en ligne, mais pas une plateforme destinée à se substituer à un PC classique. Interrogé sur le sujet, lors du Q&A qui succédait à la présentation, Google concédait qu'une itération future de Chrome OS pourrait s'adresser aux portables, voire un jour aux PC fixes.
Après tout, Google ne disait rien d'autre lors des débuts de ce qui devait devenir Google Apps. Il n'était pas question de concurrencer Office...
Chrome OS est en fait un poisson pilote, un ballon d'essai destiné à tester une formule et à adapter celle-ci en fonction des réactions des utilisateurs. L'ambition de Google n'est pas de mettre un gadget de plus sur le marché mais, comme on le verra plus loin, d'asphyxier Microsoft son seul concurrent potentiel, en tuant la plateforme à l'origine de son succès.
L'habileté de Google réside dans le « profil bas » adopté. Il est évident qu'à ce stade, Chrome OS souffre d'un nombre de lacunes importantes pour prétendre sérieusement représenter une alternative au PC. A contrario, en se présentant en outil d'appoint, Google place la barre suffisamment bas pour ne pas créer de frustrations chez les premiers utilisateurs et espère très probablement que le pourcentage de temps consacré à naviguer en utilisant Chrome OS croisse progressivement jusqu'au point où l'utilisateur finisse par se demander s'il a toujours besoin de son PC ou de son Mac. Il faudra beaucoup de temps pour en arriver là mais je ne pense pas que cela soit irréalisable, en tout cas pour une certaine classe d'utilisateurs.
Points forts et faibles de Chrome OS
Google vise un prix agressif pour ses futurs netbooks, sans doute inférieurs à ceux de netbooks équipés de Windows 7 et même de Linux. Ces machines seront rapides, démarreront très rapidement, beaucoup plus vite en tout cas qu'un netbook bootant Windows ou Linux, et ces netbooks bénéficieront d'une autonomie étendue du fait de l'utilisation de disques SSD.
Pour un afficionado de Google qui vit dans Gmail, Google Agenda, Google Docs, Google Maps, Picasa... l'outil sera certainement séduisant et pourra offrir à priori pratiquement tout ce dont ce type d'utilisateur pourrait avoir besoin.
Pour les autres...Pas de mode déconnecté, pas d'applications natives, obligation de se loguer chez Google avec un identifiant Gmail pour accéder à la machine, stockage obligatoire de l'intégralité des données sur les serveurs de Google, interface rudimentaire de gestion des données, IHM très en deçà de l'ergonomie de Windows 7 ou de Mac OS X, pas de possibilité aujourd'hui d'impression, pas de disque dur et donc une capacité de stockage forcément limitée vu le prix des mémoires SSD, pas de lecteur optique...
D'une façon générale, comme le font remarquer pas mal de commentateurs, un PC supportant le navigateur Chrome (qu'il s'agisse d'un PC Windows, Linux et bientôt Mac OS) pourra faire tout ce que fera un netbook Chrome OS. Ce dernier par contre sera incapable de faire tourner la myriade d'applications natives installées sur la plupart des machines. Un rapide décompte sur ma machine de production me donne environ une cinquantaine de programmes installés. J'en utilise quotidiennement au moins une dizaine et je pense qu'il se passera pas mal d'années, une éternité donc, avant d'imaginer que l'ensemble de ces outils soient disponibles en mode Web.
Un dernier point concernant la sécurité. Etant donné que l'ensemble des données seront stockées sur les serveurs de Google et donc accessibles en permanence, il suffira de deviner (ou de cracker) le mot de passe associé à l'identifiant Gmail du compte pour accéder tranquillement à la totalité des informations de l'utilisateur ... Quand on connaît le laxisme dont font preuve une bonne partie des utilisateurs concernant leurs mots de passe, on imagine déjà les conséquences d'une telle décision.
Comment Chrome OS pourrait potentiellement s'imposer
Etant donné ce qui précède, on pourrait douter des chances de succès d'un tel système. Et pourtant, Chrome OS recèle quelques bonnes idées et peut parfaitement devenir viable sur le long terme, même si ce ne sera sans doute pas le cas dans les premières itérations.
En premier lieu, comme Google le rappelait à maintes reprises, la vague de notebooks est un phénomène qui ne donne pas de signes d'essoufflement. Le facteur coût, un des éléments clés à l'origine du succès de cette classe de machines, contribuera certainement au succès de netbooks Chrome OS au prix très étudié et pourquoi pas partiellement subventionnés par Google.
Si Chrome OS représente une OS rudimentaire, avec des applications qui le sont pour une grande part tout autant, il peut néanmoins suffire à une classe d'utilisateurs aux besoins limités.
Qui plus est Google a annoncé récemment qu'il s'attacherait à faire rapidement évoluer Google Docs pour offrir une alternative à Office, réduisant progressivement le fossé fonctionnel entre les deux suites et élargissant progressivement au passage le nombre d'utilisateur potentiel de son offre.
Google parie sur les évolutions à venir de HTML qui vont inclure progressivement un certain nombre d'attributs jusque-là du domaine exclusif des applications natives. Firefox intègre déjà des extensions HTML 5 permettant de lancer une vidéo plein écran dans le navigateur sans recourir à Flash ou Silverlight. La fondation Mozilla annonce des fonctionnalités permettant de manipuler des fichiers depuis le navigateur, ... Bref, il va être progressivement possible de s'affranchir de l'OS sous-jacent pour développer des applications HTML de plus en plus riches.
Avec l'arrivée de Chrome OS, le PC va prendre un coup de vieux ! Un netbook estampillé Google ne nécessitera aucune mise à jour, en tout cas pas de mise à jour visible par l'utilisateur, contrastant avec la nécessité de mettre à jour régulièrement Windows ainsi que les applications installées.
Si l'idée de voir l'ensemble de mes données stockées chez Google me pose problème, ce ne sera certainement pas le cas pour une bonne majorité de ce que l'on appelle la génération « Y » qui a d'autres sujets de préoccupation et qui ne se posera même pas la question !
« Less than free »
Dans l'article ci-dessous, un capital risqueur nommé Bill Gurley décrypte le business model de Google autour d'Android consistant à partager les revenus dérivés des recettes publicitaires avec les opérateurs licenciant son OS mobile. Compte tenu de la domination qu'exerce Google sur le marché de la publicité en ligne, les revenus que pourront tirer les opérateurs d'un tel arrangement font que leurs coûts de licences seront « less than free ». Il ajoute que de façon à s'aligner sur Google, Symbian tout comme Microsoft devront payer les opérateurs pour qu'ils distribuent leur OS ...
L'auteur spécule logiquement sur la mise en œuvre de ce modèle sur Chrome OS qui amènerait Google à reverser une partie de ses revenus aux OEM : HP, Dell, Asus qui fabriqueront les futurs notebook de Google. Ces OEM seront confrontés au choix suivant : soit payer un coût de licence à Microsoft pour chaque machine Windows, soit toucher de l'argent avec Google ...
Pour les utilisateurs, cela se traduira sans doute par des netbooks subventionnés pour lesquels les attentes seront limitées et qui suffiront aux besoins d'un nombre important d'utilisateurs.
Ce contexte n'est pas sans rappeler la concurrence que se livrent la presse traditionnelle et la presse gratuite (Metro, 20 minutes, ...). La plupart des lecteurs de cette dernière ne se posent pas la question de l'indépendance de la rédaction vis-à-vis des annonceurs en prenant possession de leur quotidien gratuit. La qualité des articles est adéquate pour la plupart d'entre eux et ils ne voient pas l'intérêt de dépenser un euro pour acheter un quotidien traditionnel.
La conséquence en est une presse traditionnelle très affaiblie, sans même évoquer le déplacement des budgets publicitaires en direction d'Internet.
Changer la donne
En lançant Chrome OS, Google essaye de changer radicalement la donne sur le marché du PC. Plutôt que d'attaquer frontalement Microsoft sur son terrain, la firme de Mountain View essaye de changer les règles qui définissent ce que l'on entend par PC. Ce faisant, Google avance des propositions intéressantes qui sont autant de réponses intéressantes aux lourdeurs du PC traditionnel.
Lors du lancement de Chrome OS en septembre 2008 (voir mon compte rendu), Google n'avait pas fait mystère de ses intentions. Google définissait son nouveau navigateur comme une plateforme dont la mission était de pousser au développement d'une nouvelle génération d'applications Web destinées à progressivement remplacer les applications natives.
Même si Google se targue de 40 millions d'utilisateurs pour son navigateur, le fait est qu'un an après son lancement l'adoption de Chrome semble stagner autour de 3 %, bloqué en cela par la position occupée par Firefox dont Google ironiquement finance le développement à plus de 90 %.
Google a sans doute considéré que Chrome mettrait au mieux des années avant éventuellement de s'imposer face à Firefox, sans parler d'Internet Explorer. Qui plus est, les chances de voir Chrome se substituer à Windows en tant que système d'exploitation étaient virtuellement nulles, particulièrement avec l'arrivée de Windows 7.
Ce constat étant posé, la seule solution qui restait à Google pour imposer sa vision d'une informatique 100 % cloud consistait à supprimer le système hébergeant Chrome en faisant de Chrome le véritable OS.
Il s'agit bien sûr d'une image techniquement inexacte, Chrome OS s'appuyant sur Linux, mais le fait est que Google fait tout pour rendre l'OS invisible et donner à Chrome toute la place.
Tuer le PC
En faisant du navigateur le cœur de la machine, Google introduit une vraie alternative au PC en réduisant celui-ci au rôle de terminal évolué. Il s'agit de bannir les applications installées sur le PC, de remettre en question le contrôle exclusif des données par l'utilisateur, bref tout ce qui faisait le côté « personal » du PC.
Google cherche à bousculer le modèle de développement d'applications en « ringardisant » les applications natives et en faisant d'HTML le graal de tout développeur qui se respecte. Ce faisant, il s'attaque frontalement non seulement à Microsoft mais également à Apple et à Linux.
Le netbook Chrome OS sera un terminal intelligent, financé par la pub, qui consolidera les données de millions, voire si Google arrive à ses fins, de milliards d'utilisateurs sur ses serveurs.
Dans cette hypothèse pessimiste, le PC aura vécu. Le mouvement d'émancipation de l'individu vis-à-vis du site central, à l'origine du PC dans les années 70, aura finalement perdu la bataille après 40 ans de bons et loyaux services. Nous serons tous des utilisateurs de Google Inc., hormis quelques idéalistes accrochés à leurs vieilles lubies.
Implications potentielles
Imagine-t-on l'usage que certains régimes pourraient être tentés de faire d'une telle plateforme ? A la place du gouvernement chinois, j'ordonnerai illico le développement d'une machine de ce type (d'autant plus facile que Google propose son code en open source) et rendrait son utilisation obligatoire pour toute personne voulant s'équiper d'un PC. L'usage du PC serait néanmoins autorisé de façon transitoire pour les entreprises qui justifieraient de l'absence d'applications Web pour faire leur travail.
Une fois l'outil massivement déployé, ce sera un jeu d'enfant pour un gouvernement de surveiller étroitement les communications de leurs concitoyens étant donné que l'ensemble des données seront centralisées. La même remarque vaut pour l'Iran, la Corée du Nord, la Lybie... Cela ne risque pas de nous arriver objectez-vous ! « Never say never » disent les américains.
Si par malheur nous devions connaître une rechute majeure de l'économie, ce que personne ne peut exclure, si une vague extrémiste venait à balayer nos fragiles démocraties (on se rappellera que l'ascension du national-socialisme en Allemagne est une retombée de la crise de 1929), combien de temps Google résisterait-il aux demandes pressantes présentées par les nouvelles autorités de divulguer certaines informations sensibles ?
On se rappelle de l'épisode qui avait amené Yahoo à transmettre les coordonnés d'un blogueur recherché par les autorités chinoises. Je ne connais pas d'exemple d'entreprise commerciale qui ait préféré se saborder plutôt que d'accéder aux demandes d'un régime en place.
Entendons-nous bien. Je ne soupçonne évidemment pas Google de visées machiavéliques dissimulées. Je dis simplement qu'à partir du moment où la possibilité existe techniquement d'exercer un contrôle efficace sur une population, la plupart des régimes totalitaires ne manqueront pas de s'en servir.
Sans vouloir verser dans l'emphase, on se trouve avec Chrome OS devant un véritable choix de société. Quoique l'on pense d'une société comme Microsoft, même au sommet de son influence il y a une dizaine d'années, jamais l'éditeur n'avait représenté une menace quant à la confidentialité et au contrôle des données personnelles, comme c'est malheureusement le cas ici avec Chrome OS.
Après tout, Microsoft est la société qui voulait placer un PC dans chaque foyer, un des piliers de la révolution du PC. En poursuivant ses intérêts commerciaux, en cherchant à affaiblir Microsoft, Google propose une plateforme qui me pose problème dans son approche comme dans ses implications potentielles.
Source : itchannel.info, 10/12/09
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