JDN. Quelle est l'activité de Virtuoz ?
Laurent Landowski. Nous commercialisons des agents virtuels intelligents, qui se présentent comme un chat automatisé avec un avatar. Nous les mettons en place pour répondre à des problématiques variées de relation client : apporter des renseignements sur les produits, assurer le suivi de commande, ou trouver tout autre type de réponse.
L'agent Clara sur Fnac.com © DR |
Comment est construite votre solution ?
Elle se compose de quatre briques. La première, la partie visible, est l'interface utilisateur, qui peut prendre plusieurs formes. Clara, sur Fnac.com, est ainsi une vidéo animée d'une vraie personne. Lucie, sur le portail de SFR, est un personnage animé en 2D. Cette brique est importante car le non-verbal est une composante importante d'une conversation. Par exemple, la position d'attente ou la première réplique permettent de préparer le dialogue.
La deuxième brique est le traitement du langage naturel, en anglais natural language processing, qui est utilisé pour extraire le sens de la phrase de l'utilisateur à partir d'une entrée non formatée. Langage sms, mots clés, longues phrases... tout doit être compris. Nous travaillons avec des chercheurs du CNRS sur l'analyse sémantique. C'est par exemple ce qui nous permet de trouver le sujet, le verbe, le complément...
Et ce qui permet à l'agent d'aller au-delà d'un fonctionnement par mots clés...
Oui, nous ne définissons pas de mots clés par client. L'ontologie, c'est-à-dire l'arbre généalogique des mots, est le même pour tous nos clients. Cela nous évite aussi les contresens propres aux mots clés : dites à un moteur de recherche "je veux partir en voyage, mais pas en Martinique", il s'empressera de vous remonter les informations touristiques sur la Martinique. De même, demander au site d'une banque "je cherche une carte" et "je cherche ma carte" n'est pas du tout équivalent : dans le premier cas un prospect parle, dans le deuxième cas c'est un client.
Comment est conçue la gestion de la conversation elle-même ?
C'est la troisième brique de la solution, avec laquelle nous configurons la base de connaissances correspondant au client. Fnac.com, par exemple, souhaitait réduire le nombre d'e-mails clients reçus. Nous avons travaillé sur le type de questions posées et la façon d'y répondre, afin de définir des règles. A chaque fois, se pose la question : faut-il donner une réponse courte, renvoyer vers une page pour éduquer l'internaute, naviguer avec lui, ou encore poser une autre question pour préciser sa demande ? Nous aboutissons à un arbre de décisions. Si l'agent n'est pas sûr d'avoir bien compris, il peut reformuler, ou rentrer dans un mode dit d'"escalade", ce qui signifie qu'il transfère la demande au service adapté.
Et la dernière brique ?
Elle est transverse, il s'agit d'une composante de reporting permettant de suivre en temps réel toutes les conversations et d'avoir du feedback. Elle est en particulier utile aux directions marketing, par exemple pour affiner les gammes de produit ou savoir quels mots les utilisateurs emploient pour désigner un produit ou une offre.
Comment se passe la mise en place d'un agent virtuel intelligent ?
Elle nécessite entre un mois et demi et trois mois de travail. Au cours de l'étape de spécification est définie la problématique à adresser, autrement dit la mission de l'agent. Cela peut être d'augmenter le taux de conversion, d'amener davantage de prospects vers une page particulière... Il faut ensuite concevoir l'architecture de l'information et mettre en place le mode conversationnel. Vient alors la production du contenu, donc la base de connaissances propre au client. S'engage ensuite une phase d'entraînement privé de l'agent, avant de passer en production. On continue alors d'entraîner l'agent de façon intensive pour assurer sa montée en compétences. Celle-ci ne se finit d'ailleurs jamais. Nous avons des chargés de mission qui assurent un suivi continu de la performance des agents pour les améliorer et remonter ce reporting aux clients.
Comment vous rémunérez-vous ?
Notre modèle est celui de la licence. Créer l'agent que nous vendons nous coûte cher, donc nous ne gagnons pas d'argent là-dessus. Nous gagnons de l'argent lorsqu'une conversation est réussie, c'est-à-dire à la performance. Cette rémunération est en moyenne comprise entre 20 centimes et 1 euro, même si nous touchons évidemment plus si, grâce à nous, le site vend une assurance-vie ou une voiture ! Ce tarif est à mettre en perspective avec le coût d'un e-mail de relation client, de 3 à 8 euros, ou d'un appel téléphonique, de 8 à 20 euros. L'agent virtuel intelligent est donc ultra-compétitif.
L'agent Lucie sur Sfr.fr © DR |
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
En ce moment, nous travaillons sur l'outil d'analyse et de reporting, en particulier sur la gestion d'alertes et sur la détection de tendances ou de thématiques dans les conversations. Nous travaillons aussi sur l'intégration de notre solution avec celles de live chat avec un humain. L'idée est que le chat commence avec l'agent virtuel et pour les 10 % de demandes qui entrent en mode escalade, il se poursuit dans la même fenêtre mais avec un humain qui aura reçu toutes les informations déjà échangées. Nous regarderons alors comment l'humain a traité la problématique pour améliorer l'agent en conséquence. Nous prévoyons enfin de sortir début décembre une nouvelle version majeure de notre solution.
Et pour le futur ?
A moyen terme, nous travaillons à mieux intégrer nos solutions avec les sites Web. En amont de la conversation, pour pouvoir la commencer en disposant déjà d'informations sur l'utilisateur, nous voudrions pouvoir récolter des éléments de contexte de CRM, de navigation ou encore de feedback pour rendre l'agent plus pro-actif. En aval, de même que nous voulons mieux intégrer l'agent avec le live chat, nous voulons l'interconnecter avec les autres fournisseurs de services. Sur eBay.com par exemple, l'application est déjà au centre de tous les canaux : le client s'adresse à elle et elle le route vers le canal adapté. A plus long terme, nous travaillons sur la reconnaissance vocale et la synthèse vocale. Car tout le mécanisme derrière restera le même.
Qui sont vos clients et à quels résultats quantifiés parviennent vos agents chez eux ?
Dans l'e-commerce, nous avons pour clients Voyages-Sncf.com, eBay, Fnac.com, Discounteo, Cheeg aux Etats-Unis. Nous avons aussi SFR et Bouygues dans les télécoms et Crédit Agricole, MMA, Finaref, Sofinco, Banque Accor, Paypal dans la banque-assurance. Mais aussi GDF, Canal+, Garnier, Coca-Cola...
Sur Fnac.com, en assurant 40 000 conversations par mois et 1 million depuis sa mise en place fin 2007, notre agent Clara est parvenue à réduire de 40 % des e-mails clients. Sur eBay.fr, Louise a diminué les e-mails clients de 30 % et obtient 92 % de taux de résolution. Lucie, chez SFR, assure 700 000 conversations par mois pour un taux de résolution de 85 %.
Comment s'est déroulé le développement de votre société ?
Virtuoz a été créée en France en 2002. Pendant trois ans, nous avons construit la solution techniquement. En 2005, nous avons lancé la commercialisation. Avoir pour premier client Voyages-Sncf.com nous a permis de nous déployer rapidement. En 2006, nous avons levé 1,5 million d'euros auprès de Galiléo Partners. Convaincu par le succès de Louise, eBay a exporté notre solution en Allemagne, au Royaume-Uni et l'an dernier aux Etats-Unis. Paypal a fait de même.
En juillet 2008, nous étions rentables et présents aux Etats-Unis. Nous avons bouclé une série B de 11,4 millions de dollars auprès du fonds américain Mohr Davidow Ventures, et transféré notre siège à San Francisco. Notre président Alexandre Lebrun est parti développer notre business là-bas. Nous sommes maintenant 55 personnes en France et 15 aux Etats-Unis dont 12 à San Francisco et 3 à New York. Nous gérons aujourd'hui une cinquantaine d'agents en France, pour une petite trentaine dans le monde. Notre chiffre d'affaires 2008 s'élevait à 3 millions d'euros. Nous visons entre 4,5 et 5 millions d'euros cette année et 7 millions en 2010. Nous pensons atteindre la rentabilité fin 2010.
Quelle est votre perception du marché américain vis-à-vis des agents virtuels intelligents ?
Le marché américain est plus difficile que je ne l'imaginais. Ceci dit, nous avons de petits concurrents mais nous sommes leaders. De plus, notre application sur eBay.com assure tout de même 50 millions de conversations par an, ce ne sont donc pas du tout les mêmes volumes qu'en France. En 2010, nous attaquerons le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous y implanterons des bureaux dès que nous aurons 3 ou 4 clients.Source: JDNet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire