lundi 7 décembre 2009

Union européenne : Quelle politique d'innovation?

Jean-Noël Durvy, directeur de la politique d’innovation au sein de la DG Entreprise et Industrie de la Commission européenne, dresse le bilan des initiatives européennes en matière de soutien à l’innovation et présente les pistes explorées par la Commission pour ses actions à venir.
Quelle est la situation européenne en matière d’innovation ? 

L’Europe a accumulé un certain retard par rapport aux Etats-Unis ou au Japon, en matière d’innovation. Avant la crise, ce retard avait tendance à se combler. Si on regarde l’évolution de la tendance de 2000 à 2008, on constate une réduction de l’écart entre l’Europe et les Etats-Unis et entre l’Europe et le Japon. Néanmoins, un certain nombre de faiblesses subsistaient, notamment en matière d’investissement dans la recherche et l’innovation, qui restait inférieur à ceux des Etats-Unis et du Japon, mais également en matière de capital-risque. Un autre problème récurrent depuis de nombreuses années, c’est l’absence en matière de propriété industrielle, de brevet communautaire, comme il existe un brevet américain ou un brevet japonais. 

Quelles sont les mesures mises en place par la Commission ? 


Un certain nombre de mesures ont été décidées en décembre 2006 dans le cadre de la « Broad Base Innovation Strategy. » Cette stratégie reposait sur neuf priorités : la propriété intellectuelle, les Initiatives Technologiques conjointes, l’Institut européen de l’innovation et de la technologie, l’innovation dans le secteur des services, le développement des clusters (pôles de compétitivité), la mise en œuvre d’un cadre favorable à des investissements transfrontaliers en matière de capital-risque, l’évolution des standards pour rendre les normes plus favorables à l’innovation. Toutes ses mesures ont été mises en œuvre progressivement. Pour la plupart, elles fonctionnent bien, mais leur impact n’apparaîtra que dans quelques années. 

Quel bilan peut-on déjà en dresser ? 

La propriété intellectuelle et industrielle reste une faiblesse. Le marché du capital-risque en Europe reste beaucoup moins dynamique qu’aux Etats-Unis, et particulièrement en temps de crise financière. Les investissements en matière d’éducation et de formation sont également insuffisants, alors que c’est un des points forts de l’Europe et qu’il est important de le conserver. Parallèlement, nos programmes sont trop compliqués. Nous devons donc en simplifier l’accès. Ensuite, la coordination et la cohérence d’ensemble des actions de la Commission européenne, que ce soit le programme « compétitivité et innovation », le 7e Programme Cadre ou les Fonds structurels, n’est pas parfaite. Cette remarque est également valable quant à la complémentarité des mesures prises au niveau européen, national ou régional. D’autres instruments pourraient être mieux utilisés en matière de politique d’innovation. Il est important, par exemple, de prendre les politiques d’innovation du point de vue de l’offre, mais également de celui de la demande, et notamment de la demande publique. Les marchés publics ont une place importante dans l’économie et peuvent permettre de stimuler l’innovation et d’orienter l’évolution et le développement des marchés, en particulier pour tout ce qui est lié aux objectifs sociétaux, comme le secteur de la santé ou le changement climatique. 

Quelles actions vont être mises en place dans le cadre du prochain « Plan européen d’innovation » ? 

Il est encore trop tôt pour parler de mesures concrètes car ce sera au nouveau commissaire de définir les actions. Cependant, nous travaillons sur un certain nombre de thématiques, et notamment sur la définition d’un concept de l’innovation qui soit suffisamment large et n’intègre pas uniquement la technologie ou la recherche, mais également d’autres dimensions comme l’organisation, les « business models » ou le design. On constate par ailleurs, l’importance des technologies dites « diffusantes », c’est-à-dire des technologies qui contribuent au développement d’autres secteurs d’activités, comme la microélectronique, les TIC ou les biotechnologies. Autres points essentiels : l’amélioration de la gouvernance ou l’innovation dans les services publics pour que ceux-ci contribuent plus efficacement à l’effort d’innovation. Nous menons en effet une réflexion globale sur les moyens de permettre aux entreprises d’innover plus facilement. 

Quelle est la place de l’approche design, défendue en France notamment par l’APCI, dans la politique européenne ? 

Le design, ce n’est pas seulement la création. Le design, c’est aussi travailler sur les usages, sur l’ergonomie, sur différents aspects conceptuels. C’est aussi une méthode, une approche qui a une fonction très large. Et c’est cette fonction qu’on veut appréhender dans le cadre de la politique d’innovation, en faisant en sorte par exemple de mettre le design à la portée des PME ou en faisant en sorte que le design soit mieux utilisé dans la réflexion stratégique des villes. C’est donc faire du design un instrument de travail des décideurs privés ou publics. On constate aussi, d’une manière générale, que les industries créatrices peuvent représenter une part importante du PIB. Au Royaume-Uni, elles représentent presque autant que les services financiers. Cela montre un énorme potentiel qui n’est pas suffisamment exploité. Ce sera l’un des axes de notre politique que de favoriser ce type d’industrie et de faire en sorte que l’innovation, la culture, l’art, la science, l’ingénierie se rejoignent.

Source: Le Journal de l'Innovation

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