Le lecteur de musique numérique est le succès commercial le plus emblématique du fabricant d'ordinateurs Apple. Avec plus de 210 millions d'unités vendues dans le monde, il a bouleversé notre rapport à la musique.Le lecteur de musique numérique est le succès commercial le plus emblématique du fabricant d'ordinateurs Apple. Avec plus de 210 millions d'unités vendues dans le monde, il a bouleversé notre rapport à la musique.
LAETITIA MAILHES, Les Echos
NOTRE CORRESPONDANTE À SAN FRANCISCO.
Lorsque l'iPod, le lecteur de musique numérique d'Apple, a été enfin mûr pour sa commercialisation en 2001, Ben Knauss a jugé que le temps était venu de tirer sa révérence. Ingénieur informatique chez PortalPlayer, un partenaire essentiel d'Apple impliqué à un haut niveau dans le processus de développement de l'iPod, il doutait des chances de succès du projet. « C'était sans doute une erreur », admet-il. Il n'est pas le seul à s'être mépris sur l'impact du lecteur de musique numérique sorti des cartons d'Apple le 23 octobre 2001. Doté d'une roue de navigation
incongrue et vendu au prix exorbitant de 400 dollars, l'iPod a d'abord suscité la perplexité du public et des analystes. Depuis son retour aux commandes d'Apple, en 1997, le fondateur, Steve Jobs, avait certes remis de l'ordre dans les affaires de la marque à la pomme. Mais comment interpréter ce virage vers la musique, alors que tant restait à faire pour accroître sa part du marché des ordinateurs personnels, son coeur de métier ?
Pour une partie de la Silicon Valley, la vision prophétique de la métamorphose d'Apple revient à Tony Fadell, alors jeune designer d'appareils mobiles. « Ce projet-là va refaçonner Apple. Dans dix ans, ils seront une société de musique et pas une société informatique », a-t-il déclaré au moment où le développement de l'iPod débutait à peine. Avant de rejoindre Apple en 2001, Tony Fadell était employé chez General Magic, puis a rejoint Philips. Il s'était mis à son compte dans l'espoir de convaincre un acteur de l'industrie de développer un petit lecteur de musique conçu autour d'un disque dur et d'un service de vente de musique sur Internet. Ni Real Networks ni Philips n'ont mordu à l'hameçon. Mais c'était précisément l'opportunité qu'Apple recherchait.
Développement en six mois
Au sein d'Apple, on soutient évidemment que l'iPod, c'est une affaire maison. Il est vrai que la société avait commencé à s'intéresser de près à la musique. Le succès spectaculaire du service gratuit d'échange de morceaux Napster venait de créer une véritable fièvre autour de la numérisation de la musique. En 2000, Apple rachetait SoundJam MP, un logiciel audio spécialement conçu pour le Mac, et planchait sur une application permettant à l'utilisateur d'organiser sa collection musicale sur son ordinateur. La première version d'iTunes étant lancée en janvier 2001.
Parallèlement, Apple cherchait à enrichir son offre de produits de gadgets grand public fonctionnant avec le Mac. La société a finalement jeté son dévolu sur les lecteurs de musique numérique, où d'énormes progrès restaient à faire. Le recours quasi systématique des fabricants à la technologie de la mémoire flash conduisait à des produits encombrants et peu pratiques, ou minuscules avec des fonctions limitées. En février 2001, Apple découvre chez Toshiba un disque dur d'à peine 4,5 centimètres de diamètre. Si l'industriel est indécis quant à son usage, Apple a tôt fait de comprendre que c'est la brique technologique qui manquait pour se lancer à l'assaut de ce nouveau marché. Dans la foulée, Apple recrute Tony Fadell comme consultant puis le bombarde, deux mois plus tard, chef d'une équipe de trente ingénieurs. Objectif : développer l'iPod en six mois. Car le temps est compté. Steve Jobs veut surprendre le public juste à temps pour les fêtes de fin d'année.
Aucun concurrent sérieux
Plus de 210 millions d'iPod ont été vendus depuis. Aux Etats-Unis, le lecteur numérique d'Apple représente 90 % du marché des lecteurs à disque dur et plus de 70 % du marché des lecteurs toutes technologies confondues. Décliné en plusieurs versions, enrichi d'une fonctionnalité vidéo, l'iPod est devenu une source majeure de revenus pour Apple. Il reste singulièrement dénué de concurrents sérieux. Ni Sony, qui vient de fêter le trentième anniversaire du Walkman, ni Microsoft, avec son appareil Zune, ne sont parvenus à trouver leur place face au succès de l'iPod.
En tandem avec la boutique en ligne iTunes Music Store, l'iPod a surtout permis de convaincre l'industrie de la musique et Hollywood de la validité du modèle de vente de contenu sur Internet. A tel point qu'Apple a annoncé, en début d'année, l'abandon du système de verrouillage des fichiers de musique exigé jusqu'ici par les labels pour empêcher la distribution illégale de leur contenu.
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