C'est la question que beaucoup de gens se posent à l'heure actuelle. Malgré la bataille qui fait rage entre Google et Facebook sur le front du contrôle d'internet, il ne se passe pas une semaine sans que l'on entende le nom de la célèbre société de Mountain View associé à une initiative ou un investissement dans le domaine des technologies propres ou du réseau intelligent. Cela peut se comprendre lorsque le sujet est celui des centres de données qui est le corps de métier de la société. Mais d'autres sujets peuvent surprendre, de part leur absence totale de modèle d'affaire associé.
Quand la nouvelle s'est répandue que Google avait créé une filiale appelée "Google Energy", qui cherchait à acheter et vendre de l'électricité sur les marchés de gros, les acteurs de l'Internet et de l'énergie ont été pris par surprise [1]. Si Google était autorisé à acheter et vendre de l'énergie, que ferait exactement le moteur de recherche? La question ne s'est pas posée longtemps car l'autorisation de le faire lui fut délivrée rapidement par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) [2].
Alors Google veut-il sauver la planète ou est-ce une simple stratégie de diversification? Commençons par le point de vue du Google "Green Energy Czar", Bill Weihl.
Les Centres de données, grands consommateurs d'énergie
L'approvisionnement en énergie renouvelable
La réponse est assez simple selon Bill Weihl [3]: tout d'abord Google dépense énormément d'énergie à travers ses centres de données, et ses immeubles de bureaux qui abritent ses 22.000 employés dans le monde entier. Il s'agit donc de donner la flexibilité à Google de se procurer de l'énergie renouvelable pour ses installations. Google passe des contrats avec les fournisseurs d'énergie sur plusieurs années mais veut garder la possibilité de s'engager avec des fournisseurs d'énergies renouvelables comme par exemple un développeur de parc éolien qui s'installerait à proximité d'un de ses centres de données. Ainsi Google voudrait pouvoir modifier son approvisionnement et revendre l'électricité du contrat initial afin de ne pas perdre d'argent. Cette stratégie est d'autant plus compréhensible que le rival Facebook a été la cible de nombreuses critiques de la part de GreenPeace à propos de l'approvisionnement énergétique de ses centres de données dans l'Oregon ou l'énergie provient de centrales très polluantes [4]. De ce point de vue Google a gagné la bataille de l'image.
Des centres de données peu gourmands en énergie
Par ailleurs, les travaux de Google pour ses centres de données ne s'arrêtent pas à l'approvisionnement énergétique. Google se targue d'avoir réduit de moitié la consommation énergétique de ses centres et d'avoir atteint un Power Usage Effectiveness (PUE) de 1,2 qui est une mesure de l'efficacité avec laquelle un centre de données utilise son énergie, plus précisément, la part de l'énergie réellement utilisée par le matériel informatique (à la différence du refroidissement et autres frais généraux). Le PUE est égal au montant total d'électricité utilisé divisé par la puissance délivrée à l'équipement informatique. L'objectif est bien sûr d'atteindre un PUE de 1.
Voici comment faire pour réduire ce nombre, selon Weihl.
1. Compartimenter chaud et froid - Google confine la chaleur dans les allées entre les serveurs.
2. Augmenter la chaleur - Google maintient une température élevée à 26 degrés, en gardant un oeil sur les points chauds à travers la mesure de la température.
3. Minimiser la climatisation en utilisant des tours de refroidissement, l'air frais etc...
Des algorithmes pour accéder optimalement à l'information
D'un autre coté ce sont des stratégies algorithmiques qui vont être mises en place pour maximiser l'utilisation des données se trouvant sur les serveurs de données. Pour ce faire les ingénieurs de Google s'intéressent à plusieurs aspects [5]:
1. maximiser l'organisation de l'information sur les serveurs en fonction des besoins des utilisateurs à un moment donné. Ceci est fait grâce au Google File System (GFS) [6] qui permet de stocker les données sur un grand nombre de serveurs, BigTable [7] qui organise cette information et MapReduce [8] l'algorithme qui permet d'accélérer l'accès à l'information.
2. déceler les tendances d'utilisation (géographiquement et temporellement) afin de mieux prévoir les besoins associés en capacité au niveau des serveurs et ainsi minimiser le nombre de serveurs non utilisés dans chacun des centres.
Des serveurs efficaces
Enfin un dernier point important est le serveur en lui-même [9]: Google est un des plus grands fabricants de serveurs au monde et ses ingénieurs ont eu une idée intéressante: chaque serveur possède sa propre batterie de 12 volts pour s'auto-alimenter en cas de problème avec l'approvisionnement en électricité. En quoi cela améliore-t-il l'efficacité énergétique des centres de données? C'est que l'approvisionnement des centres repose en partie sur des machines centralisée appelées Uninterruptible Power Supplies (UPS), des batteries gigantesques qui peuvent démarrer rapidement lors de coupures (comme les piles à combustible de BloomEnergy [10]). Le problème des UPS est leur rendement qui est aux alentours de 92-95% alors que les batteries sur les serveurs permettent de faire remonter ce rendement à 99,99%.
Donc sur le corps de métier de Google, on comprend tout à fait les efforts qui sont déployés par cette société dont l'ambition est de mettre le maximum d'information entre les mains de gens.
Comment cela se traduit-il dans le monde de l'énergie?
Des projets et des investissements dans l'énergie
=> Google PowerMeter
"Si on peut pas mesurer, on ne peut pas améliorer", c'est le constat à la base du développement de cette application. Le PowerMeter est un outil gratuit qui permet - lorsque le fournisseur d'électricité et Google ont passé un accord de partage des données - d'accéder à la consommation en temps réel telle que mesurée par un compteur intelligent. C'est une chose qui est par exemple impossible actuellement sur le territoire Californien controlé par PG&E, mais c'est possible avec SDG&E.
L'interface est relativement simple et permet de voir l'évolution au cours d'une période donnée de la consommation totale, sans désagrégation - reconnaissance automatique des différents éléments branchés sur le réseau électrique - de l'information comme peut le faire Watteco.
Mais la stratégie de Google avec ce produit ne semble pas claire pour la plupart des observateurs. Ed Lu qui s'occupait jusqu'à récemment de PowerMeter avait la lourde tâche de proclamer sans cesse que Google ne souhaitait pas créer de modèle d'affaire autour de ce produit qui était ainsi mis charitablement à la disposition des gens pour les aider à réduire leur consommation. Certains commentateurs continuent d'émettre de nombreux doutes à ce propos [11].
=> Quels débouchés pour PowerMeter?
Il ne nous reste donc qu'à imaginer quels pourraient être les débouchés à leur place. Un exemple à regarder pourrait être Google Flu Trends - qui n'a pas par ailleurs donné lieu à un développement commercial. Google a constaté que certains termes de recherche sont de bons indicateurs de l'activité grippale. Google Flu Trends utilise ainsi des données agrégées de recherche Google pour estimer l'activité grippale. Les corrélations avec l'avancement de l'épidémie sont intéressantes.
De la même manière on peut se demander si l'aggrégation de grandes quantités de données de consommation énergétique va créer naturellement de la valeur.
Un autre exemple à regarder est Google Health - service qui permet de stocker toute l'information médicale d'une personne et les services associés - dont l'utilisation et donc la valeur n'ont jamais décollé malgré les spéculations à ce sujet lors de son lancement.
=> En attendant les utilisateurs
Il se pourrait donc que Google PowerMeter s'inspire de ces modèles qui attendent patiemment de trouver - ou pas - leur audience. Mais si à l'heure actuelle PowerMeter reste une initiative sans modèle d'affaire associé [12] il se pourrait qu'il y ait de l'or dans les données du réseau intelligent [13] - seulement $356 millions d'aujourd'hui, mais potentiellement $4,2 milliards de dollars à l'horizon 2015. C'est la prédiction audacieuse de Pike Research [14] pour le marché mondial de l'analyse des données de réseaux intelligents, et des logiciels et services qui peuvent analyser ces données et fournir des renseignements pour les fournisseurs de réseaux intelligents, les services publics et les consommateurs.
Si PowerMeter devient l'interface de choix pour les consommateurs désireux de consulter leur consommation, Google pourrait alors développer une base d'outils de désagrégation de la consommation totale et fournir ainsi des indications aux utilisateurs sur comment diminuer leur consommation. Cela pourrait passer par l'achat d'un nouveau réfrigérateur dont la publicité s'affiche en marge de la page des résultats comme c'est le cas avec les emails et les requêtes.
=> Des investissements en R&D pas du tout philantropiques
Selon Steve Coleman en charge de PowerMeter chez Google.org - la branche philanthropique de Google - les investissements dans l'énergie doivent répondre à deux impératifs:
1. stimuler le progrès technique, pour favoriser l'émergence de sources d'énergie renouvelable
2. que Google s'y retrouve financièrement.
Donc ces investissements pourraient à leur tour financer de nouveaux projets, mais pour certains ce n'est que le débuté d'un repositionnement de Google sur ce marché [15].
L'initiative RE
C'est ce pragmatisme que l'on retrouve dans le portfolio de l'investisseur Google dans le cadre de sa politique RE
- Dans la géothermie, AltaRock Energy et Potter Drilling ont bénéficié de $6 et $4 millions respectivement pour le développement d'Enhanced Geothermal Systems (EGS).
- Makani Power a reçu $15 millions de la part de Google pour développer des systèmes éoliens d'altitude
L'initiative RechargeIT
RechargeIT est une initiative au sein de Google.org, qui vise à réduire les émissions de CO2, réduire la consommation de pétrole, et de stabiliser le réseau électrique par l'accélération de l'adoption de véhicules électriques. Il y a notamment chez Google une flotte de démonstration de plug-ins, la GFleet, à Mountain View et cette initiative rend public les statistiques sur les performances de ces voitures.
Par ailleurs dans le cadre de cette initiative Aptera Motors, une autre entreprise d'Idealab qui fabrique des véhicules électriques au CX faible, et ActaCell qui developpe des batteries Lithium-Ion ont reçu des financements pour favoriser l'émergence de véhicules électriques.
Quel débouchés à terme?
Alors Google est-elle une entreprise qui veut avant tout faire avancer la technologie pour lutter contre le changement climatique? On peut déjà répondre par l'affirmative au vu de l'implication personnelle de ses dirigeants dans les récentes élections californiennes où on a vu son CEO, Eric Schmidt, donner $500.000 à la campagne pour maintenir les réformes d'Arnold Schwarzenegger contre le changement climatique [16]. Google sait aussi mettre ses outils à contribution comme on peut le voir avec Google Earth et les cartes climatiques de Californie [17]. Un des gourous de l'énergie de Google vient d'ailleurs de prendre la direction d'un institut de politique et financement de l'énergie à Stanford [17].
Mais pour Google il faut que les investissements aient du sens et on peut parier que son implication dans le projet d'une ligne de transmission sous-marine de $5 milliards sur la Cote Est des USA soit basée sur le calcul d'un retour sur investissement très favorable [19].
C'est vrai que malgré tout il est plus facile de comprendre lorsque Google décide d'utiliser les compétences en intelligence artificielle de ses ingénieurs pour développer une voiture qui se conduit toute seule [20]. Pourtant encore une fois cela a un rapport avec l'énergie car une voiture qui se conduit toute seule fait potentiellement des économies d'énergie.
ORIGINE : BE Etats-Unis numéro 229 (17/12/2010) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65408.htm
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