Rendre les villes moins gourmandes en électricité : c'est l'un des défis auxquels est confrontée la Chine, soumise à une urbanisation massive et sommée de réduire ses rejets de gaz à effet de serre. Le premier émetteur de CO2 de la planète a admis, dimanche 27 septembre, qu'il lui serait difficile de réduire, comme prévu, sa consommation d'énergie de 20 % par unité de PIB d'ici à 2010 et qu'il n'obtiendrait, pour 2009, qu'une baisse de 5 %.
Près d'un Chinois sur deux vit en ville
Le taux d'urbanisation de la Chine s'élevait à 45,7 % à la fin 2008, selon les chiffres récemment publiés par l'Académie des sciences sociales de Chine.
Encore cette statistique ne tient-elle pas compte des 130 millions de travailleurs migrants. 20 millions d'entre eux, rentrés dans leurs campagnes au plus fort de la crise, sont déjà revenus dans les villes, a annoncé, le 26 septembre, un responsable chinois. Pas moins de 246 villes nouvelles ont été construites depuis 1990.
Le pays compte 118 villes de plus d'un million d'habitants - dont 78 créées il y a moins de vingt ans - et des mégapoles comme Pékin, Shanghaï, Tianjin, Shenzhen et Chongqing dépassent les 10 millions d'habitants.
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Dans des villes encore lourdement industrialisées, les bâtiments (logements, bureaux, centres commerciaux) ne brûlent que 30 % de l'électricité. Mais le pays construit un milliard de mètres carrés chaque année - un mètre carré sur deux dans le monde est construit en Chine -, et la consommation d'énergie liée aux immeubles enregistre une croissance annuelle de 15 %.
En trente ans, la population urbaine de la Chine, bien plus énergivore que la population rurale, est passée de 190 millions à 650 millions d'habitants. Dans le même temps, la consommation énergétique du pays a doublé une première fois de 1980 à 2000, puis à nouveau entre 2000 et 2008. Or, 70 % de l'énergie est produite dans des centrales au charbon. La situation ne va pas s'arranger : dans les quinze ans qui viennent, 300 millions de campagnards supplémentaires vont rejoindre les villes.
Seul moyen de changer la donne : la rénovation d'un parc immobilier constitué à plus de 80 % de passoires thermiques. Une rénovation commencée dans quelques villes du nord du pays, et dont une étude, menée par l'Agence française de développement (AFD), permet de mesurer l'enjeu.
"Loin d'être des antiquités, les bâtiments sur lesquels nous avons travaillé étaient quasiment neufs : des normes énergétiques contraignantes ne sont vraiment appliquées que depuis 2006 ; aujourd'hui, un tiers des bâtiments dans la construction neuve sont aux normes", raconte Nils Devernois, qui a piloté l'expérience de l'AFD.
L'agence a travaillé dans la province de Hubei, au centre du pays (60 millions d'habitants), et sa capitale, Wuhan (7 millions d'habitants). "Le but était de mettre en place une politique d'efficacité énergétique à l'échelle régionale, avec des mécanismes financiers qui prennent en compte les aspects économiques et sociaux", résume M. Devernois.
S'intéressant uniquement aux bâtiments publics, l'équipe a effectué "un audit détaillé des consommations de chauffage, climatisation, éclairage, etc., puis des simulations informatiques des différentes solutions, explique M. Devernois. L'idée était de composer les meilleurs panachages, en évaluant le coût et le temps de retour sur investissement".
Verdict : une voie médiane, consistant à remplacer les appareils de chauffage et d'air conditionné et à améliorer partiellement l'enveloppe des bâtiments, permettrait d'éviter le rejet de 4 millions de tonnes de CO2 par an dans la province, moyennant un investissement de 3 milliards d'euros. Extrapolée à l'échelle du bassin du Yangzi, l'économie serait de 13 millions de tonnes de CO2 chaque année, pour un coût de 10,2 milliards d'euros. Des chiffres à comparer aux 6,2 milliards de tonnes émis par la Chine en 2006. Reste à trouver des outils pour financer de tels investissements, avec des temps de retour estimés entre cinq et neuf ans et des bâtiments qui mêlent usages - et propriétaires - publics et commerciaux.
Le défi est d'autant plus grand que bien des villes préfèrent se concentrer sur l'affichage de projets d'éco-cités idéales, très médiatisés et pour l'instant chimériques, qui ont surtout le mérite d'attirer l'attention internationale et les investisseurs.
La "ville verte" de Dongtan, à Shanghaï, censée voir le jour en 2010, a été officiellement passée par pertes et profits. Dongtan a été aussitôt remplacée dans les conférences internationales par les promesses de l'éco-cité de Tianjin, issue d'un partenariat technique et financier avec Singapour, supposée accueillir 350 000 habitants dans quinze ans. D'autres éco-cités sont annoncées, à Tangshan, Wanzhuang, Xiangji, Huangbaiyu...
Pour le coût de chacune, combien de villes existantes pourraient être mises aux normes ?
Source : Le Monde, 2/10/09
Près d'un Chinois sur deux vit en ville
Le taux d'urbanisation de la Chine s'élevait à 45,7 % à la fin 2008, selon les chiffres récemment publiés par l'Académie des sciences sociales de Chine.
Encore cette statistique ne tient-elle pas compte des 130 millions de travailleurs migrants. 20 millions d'entre eux, rentrés dans leurs campagnes au plus fort de la crise, sont déjà revenus dans les villes, a annoncé, le 26 septembre, un responsable chinois. Pas moins de 246 villes nouvelles ont été construites depuis 1990.
Le pays compte 118 villes de plus d'un million d'habitants - dont 78 créées il y a moins de vingt ans - et des mégapoles comme Pékin, Shanghaï, Tianjin, Shenzhen et Chongqing dépassent les 10 millions d'habitants.
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Dans des villes encore lourdement industrialisées, les bâtiments (logements, bureaux, centres commerciaux) ne brûlent que 30 % de l'électricité. Mais le pays construit un milliard de mètres carrés chaque année - un mètre carré sur deux dans le monde est construit en Chine -, et la consommation d'énergie liée aux immeubles enregistre une croissance annuelle de 15 %.
En trente ans, la population urbaine de la Chine, bien plus énergivore que la population rurale, est passée de 190 millions à 650 millions d'habitants. Dans le même temps, la consommation énergétique du pays a doublé une première fois de 1980 à 2000, puis à nouveau entre 2000 et 2008. Or, 70 % de l'énergie est produite dans des centrales au charbon. La situation ne va pas s'arranger : dans les quinze ans qui viennent, 300 millions de campagnards supplémentaires vont rejoindre les villes.
Seul moyen de changer la donne : la rénovation d'un parc immobilier constitué à plus de 80 % de passoires thermiques. Une rénovation commencée dans quelques villes du nord du pays, et dont une étude, menée par l'Agence française de développement (AFD), permet de mesurer l'enjeu.
"Loin d'être des antiquités, les bâtiments sur lesquels nous avons travaillé étaient quasiment neufs : des normes énergétiques contraignantes ne sont vraiment appliquées que depuis 2006 ; aujourd'hui, un tiers des bâtiments dans la construction neuve sont aux normes", raconte Nils Devernois, qui a piloté l'expérience de l'AFD.
L'agence a travaillé dans la province de Hubei, au centre du pays (60 millions d'habitants), et sa capitale, Wuhan (7 millions d'habitants). "Le but était de mettre en place une politique d'efficacité énergétique à l'échelle régionale, avec des mécanismes financiers qui prennent en compte les aspects économiques et sociaux", résume M. Devernois.
S'intéressant uniquement aux bâtiments publics, l'équipe a effectué "un audit détaillé des consommations de chauffage, climatisation, éclairage, etc., puis des simulations informatiques des différentes solutions, explique M. Devernois. L'idée était de composer les meilleurs panachages, en évaluant le coût et le temps de retour sur investissement".
Verdict : une voie médiane, consistant à remplacer les appareils de chauffage et d'air conditionné et à améliorer partiellement l'enveloppe des bâtiments, permettrait d'éviter le rejet de 4 millions de tonnes de CO2 par an dans la province, moyennant un investissement de 3 milliards d'euros. Extrapolée à l'échelle du bassin du Yangzi, l'économie serait de 13 millions de tonnes de CO2 chaque année, pour un coût de 10,2 milliards d'euros. Des chiffres à comparer aux 6,2 milliards de tonnes émis par la Chine en 2006. Reste à trouver des outils pour financer de tels investissements, avec des temps de retour estimés entre cinq et neuf ans et des bâtiments qui mêlent usages - et propriétaires - publics et commerciaux.
Le défi est d'autant plus grand que bien des villes préfèrent se concentrer sur l'affichage de projets d'éco-cités idéales, très médiatisés et pour l'instant chimériques, qui ont surtout le mérite d'attirer l'attention internationale et les investisseurs.
La "ville verte" de Dongtan, à Shanghaï, censée voir le jour en 2010, a été officiellement passée par pertes et profits. Dongtan a été aussitôt remplacée dans les conférences internationales par les promesses de l'éco-cité de Tianjin, issue d'un partenariat technique et financier avec Singapour, supposée accueillir 350 000 habitants dans quinze ans. D'autres éco-cités sont annoncées, à Tangshan, Wanzhuang, Xiangji, Huangbaiyu...
Pour le coût de chacune, combien de villes existantes pourraient être mises aux normes ?
Source : Le Monde, 2/10/09
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