http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64872.htm
Le groupe de recherche BATT (Batteries for Advanced Transportation Technologies) [1] est piloté depuis le Lawrence Berkeley National Lab [2] (LBNL) et est financé par le U.S. Department of Energy (DoE). Il compte 30 chercheurs qui sont repartis dans divers laboratoires américains du DoE. Le groupe se focalise sur six domaines liés aux batteries : l'anode, la cathode, l'électrolyte, la modélisation, l'analyse des cellules et les diagnostics. Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec le Dr Venkat Srinivasan, qui administre BATT. Celui-ci nous a présenté les différents groupes impliqués et nous a donné sa vision a court et long terme de la recherche en batteries, des spin-offs et du financement de l'innovation par le DoE.
L'anode
Le carbone utilisé communément dans les batteries Li-ion pose des problèmes de sécurité et de durabilité. C'est pourquoi le Kumta Lab [3] travaille sur un processus de production à bas coûts d'anodes à base de composites silicone/carbone utilisant les nano-technologies. Par exemple, le silicone amorphe permet d'atteindre de fortes capacités tandis que le carbone fournit une structure mécaniquement efficace de conduction. Le laboratoire a par ailleurs développé deux techniques de production du matériau par "chemical vapor déposition" (CVD) et "high-energy mechanical milling" (HEMM).
Le Goodenough Lab [4] a de son coté développé une anode qui empêche la formation d'une interface solide avec l'électrolyte (visible sur des anodes conventionnelles et affectant leur stabilité). La capacité observée est spectaculaire ; de plus cette technologie permet des cycles rapides de charge/décharge, grâce à la stabilité haute tension de l'interface anode/électrolyte.
La cathode
Le Manthiram Lab [5] se focalise sur les cathodes à base de manganèse (spinel). Cet élément bon marché a tendance à perdre en capacité et efficacité dans les batteries qui l'utilisent, et c'est pourquoi cette section de BATT étudie des méthodes pour le stabiliser ou l'améliorer.
Un des sujets de recherche est l'étude de cathodes enrichies en fer. Ce dernier permet de stabiliser le contact cathode/électrolyte de la batterie à haute tension. La cathode produite permet de conserver toute sa capacité après 100 cycles, contrairement à la même cathode non enrichie en Fer qui perd plus de 10% de sa capacité en 50 cycles. Le dopage en fer met en évidence une forte présence de celui-ci à la surface de la cathode, et empêche ainsi la formation d'une interface solide entre électrolyte et cathode. Le groupe de recherche s'intéresse à la migration naturelle du fer dans ce procédé, et à ses applications possibles.
L'électrolyte
L'électrolyte pose des problèmes de stabilité aux interfaces avec les électrodes. Le Smith Group [6] effectue des simulations de la formation de la couche solide à l'interface, en particulier en présence d'un électrolyte polymère. Ces simulations permettent d'optimiser l'interface, et de modéliser a priori les comportements des différents éléments du matériau.
La modélisation
La modélisation se retrouve dans chacun des domaines de recherche cités plus haut. Les cycles de vie, la formation de la couche solide à l'interface, la diffusion des ions Li+ sont des propriétés importantes des batteries faisant appel à cet outil mathématique. Le Dr. Venkat Srinivasan dirige BATT et se concentre sur la modélisation des différentes configurations des batteries. Il compare régulièrement les résultats annoncés par les groupes de recherche et compagnies à ses calculs et expériences.
L'analyse des cellules
Le Richardson Lab [7] étudie les problèmes de la perte de capacité lors de la charge initiale des batteries lithium ion. Afin de compenser cette perte, l'équipe a mis au point une technique de pré-lithiumisation de l'anode. Ce lithium est ensuite consommé lors de la première charge au lieu d'être fourni par la cathode dans les batteries conventionnelles. La cathode ne perd donc plus sa capacité au cours de la première charge. Ce procédé peut augmenter de près de 10% la capacité des anodes, sans en changer la composition ou les processus de fabrication.
Le diagnostic
Le Ceder group [8] utilise des méthodes analytiques pour étudier la dégradation des électrodes et leur durée de vie. La sécurité est un enjeu pour ces composants à haute densité énergétique, et est très souvent liée à la vitesse de dégradations des différents constituants. En particulier, cette équipe a montré, en accord avec les expériences des autres groupes de recherche de BATT, que certains olivines se décomposaient à plus basse température que d'autres. Pour cela, ils ont étudié les configurations géométriques des plusieurs types de cathode, en électrolyte ou au contact de l'air. Ils ont mis en évidence l'importance des ligands dans ces configurations.
Le point de vue du Dr. Srinivasan
Le Dr. Venkat Srinivasan, en plus de diriger BATT et de travailler sur la modélisation des différentes configurations des batteries, tient un blog de vulgarisation sur le sujet des batteries qui connait un certain succès [9]. Il se tient ainsi informé de toute actualité sur le sujet. Lors de notre rencontre au LBNL, il nous a donné sa vision des recherches actuelles, des transferts de technologie vers les startups, et de l'avenir plus ou moins proche de la batterie Lithium-Ion.
Sur les nombreuses spin-offs
Une spin-off d'un laboratoire est une startup créée à partir d'une équipe de recherche (publique). Plusieurs modèles sont possibles: les licences de propriété intellectuelle (IP) peuvent être rachetées au laboratoire d'origine; il peut éventuellement y avoir une close d'exclusivité; le laboratoire peut financer le début de la startup et y prendre part; etc.
Typiquement un certain nombre de chercheurs du projet BATT a décidé de monter (ou de s'affilier avec) des startups telles Polyplus [12], Seeo [13], Sion Power [14], Leyden [15] et Applied Materials. Les liens exacts entre le LBNL et ces compagnies sont très souvent confidentiels, et les contrats portent pour la plupart sur une vente de license d'IP, directe, avec plus ou moins d'exclusivité selon les cas.
Sur les financements des spinoffs
Toutes les startups/spinoffs sur les batteries se financent grâce aux aides gouvernementales et au capital risque. Ce système est relativement fermé: les acteurs du capital risque observent de près les décisions fédérales, et ont tendance à les suivre. Ceci semblerait avoir un double impact : d'une part les entreprises qui ne sont pas sélectionnées par l'état fédéral pour construire la batterie de demain ne parviennent pas à se financer auprès des investisseurs privés, et courent à leur perte. Un exemple connu ici est celui d'Imara [10] qui a fermé ses portes dès l'annonce de son échec pour obtenir des financements gouvernementaux. D'autre part, les sommes sont tellement grandes qu'il est pratiquement impossible aujourd'hui de concurrencer les entreprises favorites telles A123 [11], ou LG chem. De plus, cet argent doit nécessairement être dépensé dans de très courts délais (afin d'avoir un maximum de résultats sur l'économie), poussant les compagnies bénéficiaires à de gros investissements.
Sur ARPA-E
ARPA-E, l'agence de financement gouvernementale pour la recherche avancée sur l'énergie, finance les laboratoires nationaux sur des projets complexes et ambitieux, dans l'optique d'avoir des résultats concrets en très peu de temps. Ainsi un certain nombre de projets ont été sélectionnés avec des ambitions très précises d'applications industrielles dans les deux ans à venir. Les différents laboratoires doivent souvent établir des partenariats industriels afin d'obtenir ces bourses, ce qui montre une fois de plus les délais attendus par l'état pour le retour sur investissement dans le domaine de la recherche. Il est difficile de prévoir si cela va mener à des avancées technologiques importantes, vu le peu de temps laissé à la recherche.
Sur l'avenir à court terme
La batterie lithium metal (cf. Seeo, Polyplus) est très prometteuse, et les premiers prototypes de cette batterie très dense énergétiquement viennent de faire leur apparition. Les résultats sont très bons, et la technologie est récente: jusqu'à présent les anodes en 'pur lithium', très denses, étaient incompatibles avec les électrolytes liquides/gels utilisés. Depuis l'équipe de Seeo, et les recherches de BATT, un polymère (solide) permet d'utiliser ces anodes, et de résoudre les problèmes typiques associés (i.e. la formation de dendrites).
Sur l'avenir à long terme
La question du lithium-air est très à la mode, car les densités énergétiques théoriques sont impressionnantes. Cette technologie n'est pas du tout maîtrisée, et date (plus de vingt ans pour certains groupes de recherche). En remplaçant les électrodes par un système ouvert, l'air environnant jouerait un rôle clé pour cette batterie qui repose sur les fortes énergies présentes dans les atomes du dioxygène. Et à long terme, il est très difficile de répondre aux interrogations sur les autres acteurs clés de l'industrie, tels les constructeurs de voitures électriques, les producteurs (et leurs moyens de production) de lithium, les pays détenteurs de mines, les producteurs d'électricité (et le prix de l'électricité), etc.
Au final, beaucoup d'acteurs de la R&D des batteries aux USA publics comme privés semblent connectés au programme BATT. C'est sans doute pour cela que Le Dr. Venkat Srinivasan estime qu'il regroupe les meilleurs chercheurs des Etats-Unis sur le sujet, "a great team of people that can change the world".
ORIGINE : BE Etats-Unis numéro 223 (22/10/2010) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64872.htm
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lundi 25 octobre 2010
BATT, un ambitieux programme de recherche sur les batteries du futur
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